Naëm Bestandji : « En luttant contre l’islamisme, on lutte aussi contre l’extrême droite »

VdH : Le jeu du président de la République avec le religieux est ambigu. Récemment, les associations religieuses ont été exclues de la liste des lobbies. Or, cette liste révélait publiquement l’identité, les actions et le montant des actions menées par les groupes cultuels vis-à-vis des politiques. N’est-ce pas là la porte ouverte à l’entrisme islamiste souterrain ?

N.B. : La liste des lobbies incluant les religieux ne date que de 2016. C’était donc quelque chose de très récent. Par contre encore une fois, il faut distinguer le catholicisme de l’islam. Cette liste était surtout pensée pour les catholiques car il y a l’Église catholique, des évêques, des cardinaux, des prêtres, qui sont en contact avec des hommes politiques parce que le catholicisme est étroitement lié à l’histoire de France, qu’on le veuille ou non. Il y a des députés sensibles à ces questions de par leur histoire et leurs convictions personnelles. Je pense à des débats sur la bioéthique, sur le mariage pour tous, sur la fin de vie, sur le droit à l’avortement. L’Église catholique a eu une influence ou voulait influencer les décisions politiques, donc qu’elle figure sur la liste était normal. Les intégristes musulmans n’ont pas le réseau, l’histoire, les possibilités de faire du lobbying au niveau de l’État comme le fait l’Église catholique.

« Les Frères Musulmans sont dans une stratégie politique sur le long terme […] L’idée qu’ils ont, c’est de former des élèves, les mineurs d’aujourd’hui, car ils seront les décideurs de demain »

Ils ont créé de nombreuses associations cultuelles qui se présentent comme culturelles, un syndicat étudiant, des partis politiques, une myriade d’associations humanitaires, de soutiens scolaires et de loisirs, pour faire du lobbying, autrement dit du prosélytisme, par le bas. Ils veulent faire en sorte que la génération actuelle d’enfants et d’étudiants soit la future génération qui supprimera la loi de mars 2004. Les Frères Musulmans sont dans une stratégie politique sur le long terme, ce n’est pas le cas de Civitas ou des salafistes. Les Frères savent très bien qu’ils ne pourront jamais faire supprimer la loi de 2004 à court terme. L’idée qu’ils ont, c’est de former les élèves, les mineurs d’aujourd’hui car ils seront les décideurs de demain. En changeant la mentalité des jeunes Français, en influençant au maximum, il arrivera un moment où le lobbying au niveau politique sera possible, puisque les élèves d’aujourd’hui sont les députés de demain. On le voit d’ailleurs actuellement puisque des partis politiques ont émergé aux dernières élections législatives. Même s’ils ont fait moins de 1% des voix en général, leur volonté était de poser les balises pour avoir un jour ou l’autre de l’influence directement sur la politique nationale. Le fait d’avoir retiré les religieux de la liste des lobbies va permettre, non pas maintenant mais sur le moyen et long terme, aux intégristes musulmans de faire du lobbying comme les intégristes catholiques.