Souleymane Bachir Diagne : « L’éducation est la seule vraie réponse aux défis auxquels l’islam fait face »

Dans le cas du Sénégal, où l’islam soufi, à travers de nombreuses confréries, est bien implanté, peut-on s’attendre à un enracinement, à un scénario où une minorité d’extrémistes, comme au Nigeria, remet en question la laïcité, la cohabitation religieuse et la démocratie telle qu’elle existe aujourd’hui ?

Comme je l’ai rappelé, je crois en la solidité de la tradition d’un islam soufi bien implanté en Afrique de l’Ouest en général et au Sénégal en particulier. Mais vous faites bien de rappeler l’exemple du Nord-Nigeria qui a eu et conserve toujours une tradition soufie assez bien implantée. Il y a d’ailleurs sur ce plan un lien très fort entre le Nord-Nigeria et le Sénégal puisqu’une des confréries fortement présentes au nord du Nigeria, la Tidjaniya, est adossée à la Tidjaniya sénégalaise en particulier dans sa branche kaolackoise, celle des Niassene. Cette forte implantation de la Tidjaniya mais aussi, plus ancienne, de la Qadiriya, la confrérie du fondateur du sultanat de Sokoto dans le Nord-Nigeria, Usman dan Fodio, n’a pas empêché au fil des années une interprétation rigoriste, exclusiviste de l’islam, intolérante et anti-soufie bien entendu, de s’installer sous le nom de « Izala ». D’une certaine manière, ce courant a fait le lit de la violence exercée par Boko Haram dans le Nord-Nigeria. Encore une fois, je ne dis pas que les salafistes sont nécessairement violents, mais cette école de pensée, par son exclusivisme encore une fois, tend à créer un terreau favorable à l’intolérance. Pour résumer, il faut avoir confiance dans la solidité de la tradition d’un islam ouest-africain, pluraliste et tolérant. Mais, dans le même temps, gardons-nous de considérer qu’il s’agit d’un acquis une fois pour toutes. Par conséquent, il est absolument nécessaire de travailler activement à le sauvegarder. Ici aussi, la clé réside dans l’éducation.