Quand l’islam acceptait la critique et l’homosexualité

On les doit à l’immense théologien hanafite Abu Yusuf (738-798). Originaire de Koufa, en Irak, ce dernier fut nommé juge suprême par le calife Haroun al-Rachid. Est-il une exception ? Loin de là. Puisque d’autres exégètes sont allés jusqu’à se demander si la sodomie n’était pas « un plaisir du paradis » réservé aux hommes pieux…

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Comment expliquer cette prolifération d’œuvres louant les rapports impudiques entre hommes alors que l’ensemble des courants de l’islam jette l’opprobre sur cette conduite ? Un élément de réponse réside dans la pluralité ethnico-religieuse qui caractérisait les univers arabo-andalou et abbasside ; un effet du code islamique découlant de la chariapermettant aux juifs, chrétiens, etc., de vivre en terre d’islam en tant que dhimmis. Un statut discriminatoire, certes, mais garantissant des droits inaliénables à ceux professant une foi différente de la majorité musulmane, comme celui d’exercer librement son culte. Et ce brassage de population, de Grenade à Bagad en passant par le Caire, favorisera les échanges, mais aussi les rencontres dans un contexte marqué par l’ouverture d’esprit. Porté par une civilisation islamique en plein essor, malgré les discordes politiques, la recherche tant profane que religieuse ne négligea donc aucun domaine. Autre élément de réponse : la prégnance, sous les Ottomans, des courants mystiques de l’islam faisant de la beauté des êtres masculins un reflet de Dieu sur terre. La supériorité supposée de l’homme sur la femme a donc induit l’émergence d’un soufisme esthétique où le jeune et beau garçon, l’éphèbe mentionné dans le Coran, est devenu un objet de contemplation permettant d’atteindre une plénitude transcendantale. En somme, être transporté d’admiration devant un « éphèbe », c’est aimer Dieu. Il en résultera une forte tradition homoérotique, voire homocharnelle, Et n’oublions pas que le Coran lui-même, à la Sourate 76, L’Homme versets 13 à 19, clame que les dévotieux, au paradis, jouiront de la présence de jeunes hommes à la beauté sans égal, les fameux « éphèbes » : « Là, accoudés sur des lits somptueux […] les ombrages du Paradis les couvriront […] Et parmi eux circuleront des éphèbes […] qu’on prendrait […] pour des perles dispersées. »