Insultée et harcelée à Paris devant des policiers qui n’ont pas réagi, Fatima-Ezzahra Benomar a été indignée par l’inaction des forces de l’ordre. Pour faire évoluer les choses, elle lancé une pétition réclamant une formation au harcèlement de rue pour les policiers. Elle témoigne pour RMC.fr.
Fatima-Ezzahra Benomar, victime de harcèlement de rue et co-porte-parole de l’association « Les Effronté-es ».
« La scène se déroule un mardi. Je sors d’un rendez-vous avec le service des droits des femmes, à la mairie de Paris. Sur le parvis, un jeune homme s’approche de moi et me demande: ‘qu’est-ce que tu fais dans la vie?’. Je sursaute et je lui réponds: ‘excusez-moi, est-ce qu’on se connaît?’. Il me dit: ‘Non, c’est pour mieux se connaître’. Je lui fais alors clairement comprendre que je ne suis pas intéressée.
Dans un monde idéal, cette conversation devrait s’arrêter-là. Mais alors que je continue à avancer, l’homme hurle: ‘Et cette fois-ci tu t’habilles autrement, tu baisses ton t-shirt’, parce que j’avais un t-shirt taille haute. J’ai aussi le droit à une salve d’insultes. Tout ça sous le nez de trois agents de police très amusés de la scène. Ils ne réagissent pas. Quand ils me voient revenir sur mes pas et aller vers mon harceleur, ils s’avancent brutalement vers moi et me disent: ‘c’est bon maintenant Madame vous quittez la place’. J’hallucine. Je leur explique qu’ils ont un flagrant délit de harcèlement de rue, avec des insultes, et c’est moi qui dois quitter la place. Ils éclatent de rire et me disent: ‘harcèlement de quoi? De quoi elle parle?’. Tout ça en présence du harceleur qui, en plus, a une bière à la main.
« Leur devoir est de s’interposer du côté de la victime »
Il faut former les policiers au harcèlement de rue, qu’ils soient au courant. Dans mon cas, j’ai l’impression qu’ils entendaient ces termes pour la première fois parce qu’ils ont éclaté de rire. Ils ont peut-être des réflexes racistes, ils se disent sûrement que le harcèlement de rue n’est fait que par des migrants. Mais là, il avaient en face d’eux un jeune franchouillard avec une bière.
Une formation changerait quelque chose parce qu’ils ne sont pas là par hobby, c’est quand même un métier. Quand on est formé sur quelque chose, cela induit des responsabilités et une responsabilisation. Si sur mon cas ou sur d’autres on laisse faire l’impunité, ils ne changeront pas de comportement. Il faut un remontage de bretelles parce que ce n’est pas possible qu’une situation se passe comme ça. On peut au moins leur faire comprendre que leur devoir à ce moment-là, pour lequel ils sont payés avec l’argent de nos impôts, est de s’interposer du côté de la victime. Ce sont des êtres humains, on peut les sensibiliser. Si une femme de leur connaissance avait vécu la scène, ils auraient réagi autrement.
« Si les policiers ne réagissent pas, ça peut aller plus loin »
Il faut des formations dans tout le continuum des violences faites aux femmes, même dans les cas les plus graves. Cela ne ferait de mal à personne. Il faut mettre en place une formation b.a.-ba, expliquer ce qu’est le sexisme, le patriarcat, pourquoi les hommes sont intolérants dans leur majorité envers les femmes qui disent non quand elles sont interpellées dans la rue.