Extraits de l’interview du philosophe Souleymane Bachir Diagne dans le Point Afrique
Le Sénégal, pays à majorité musulmane, est un phare de la démocratie sur le continent. En quoi l’islam, selon vous, est-il compatible avec la démocratie ?
Il est tout à fait pertinent de rappeler que le Sénégal a une solide tradition démocratique. Parce qu’au fond la fameuse question de la compatibilité de l’islam avec la démocratie n’est pas une question théorique. C’est une question éminemment pratique. Si on regarde dans le monde le nombre de pays musulmans qui sont des démocraties, ils ne sont pas très nombreux, mais ils existent. Et leur nombre va en augmentant. Donc la réponse à la question de la compatibilité entre islam et démocratie ne peut qu’être pratique, empirique. Car, si on pose cette question en considérant les seuls aspects théoriques, en se demandant ainsi si quelque chose dans l’essence même de l’islam s’oppose à quelque chose dans l’essence même de la démocratie, une telle question ne peut pas trouver de réponse. Il suffit de la poser pour n’importe quelle religion pour se rendre compte de cela. Si je pose la question de savoir si le catholicisme est compatible avec la démocratie, et si je regarde l’histoire du catholicisme, des révolutions et des contre-révolutions en France, j’ai tendance à répondre non. Mais, si je considère l’histoire de la République en France au XXe siècle, alors j’ai tendance à dire oui. Donc la réponse à la question de la compatibilité entre quelque religion que ce soit et la démocratie est toujours d’ordre pratique. De ce point de vue, des pays comme le Sénégal, la Tunisie, la Turquie, l’Indonésie, la Malaisie ou encore d’autres, en dépit de régressions démocratiques conjoncturelles toujours possibles, sont en train de faire la preuve que démocratie et islam peuvent parfaitement coexister.