On ne le dira jamais assez : prendre la parole, en son nom ou collectivement, est le premier pas vers un desserrement des contraintes culturelle et confessionnelle, autorisant la possibilité de futures conquêtes de l’autonomie sociale et personnelle. Mais dénoncer ne suffit pas. C’est insuffisant pour renverser la table des valeurs et la structure des inégalités, en particulier homme-femme. En un mot, pas de démocratie sociale sans que dans le même mouvement ne se conquiert la démocratie domestique. Le manifeste des femmes marocaines, signé en leur nom propre, nous met en présence d’une parrêsia, d’une parole prise en son nom propre, n’engageant que soi, un geste risqué pour dire la vérité à tous les détenteurs du pouvoir : époux, familles, institutions et hommes ordinaires. A tous ceux qui prennent plus que l’apparence du maître, et qui sont réellement ou symboliquement les maîtres du corps d’autrui et de leur destinée. Se montrer sous son vrai nom, se rendre visible devant témoins, au vu et su de tout le monde, ce qu’ont fait ces femmes marocaines, ainsi que ces hommes, est la figure antithétique de l’aliénation et de la passivité.
0