Maroc , manifeste des 490 : «L’amour n’est pas un crime»,

Lorsqu’on est une femme arabe, aimer en toute liberté reste un acte hérétique. Se prétendre féministe c’est faire preuve de trahison.

Tribune signée Smaïn Laacher professeur de sociologie, université de Strasbourg et publiée sur le site liberation.fr, le 12 12 2019

« Il est des gestes qui paraissent anodins dans nos pays démocratiques. Par exemple signer une pétition ; protester contre des lois jugées injustes ou oppressives ; interpeller publiquement et collectivement les autorités pour leur demander qu’elles usent de leur force et de leur légitimité afin de changer la loi qui interdit de s’aimer ou de vivre ensemble (mariage homosexuel, etc.). Ce refus de l’intolérable sans risquer la mort ou l’emprisonnement est très inégalement distribué selon les pays et les espaces géopolitiques. Prenons le monde arabo-musulman par exemple. Déjà, en 2006, le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) établi par des experts arabes constatait «le retard de plus en plus criant que cette région du monde accumulait par rapport à l’Asie ou à l’Amérique latine». Non seulement «la région arabe présente l’un des taux les plus élevés d’analphabétisme féminin», mais en matière de santé, d’accès à l’emploi, de droits sociaux, d’égalité en matière d’héritage, etc., leur situation n’est guère plus brillante. Aussi, lorsqu’on est une femme «arabe» (musulmane ou non), prendre la parole pour dénoncer des injustices et une condition humaine absurde dans les domaines du mariage forcé ou de l’homosexualité, par exemple, peut entraîner le pire pour soi et ses proches.