De la promotion religieuse au combat identitaire
Jusqu’au début des années 1990, nous n’avions jamais vu d’islamistes dans mon quartier de la banlieue de Grenoble. Un salafiste y emménagea au tout début de cette décennie. Nous voyions parfois ses deux femmes sortir, voilées de la tête aux pieds, en noir ou bleu foncé. Elles étaient gantées, leurs yeux dissimulés derrière un voile sombre. Leur mari avait toute la panoplie vestimentaire et pileuse du salafiste. Si ses deux femmes faisaient peur, surtout aux enfants, lui nous faisait rire. Il jouait au parfait et pieu musulman mais il cachait toujours un pack de bière dans sa boite aux lettres. Ce fut mon premier contact avec un islamiste. A l’époque, aucune femme n’était voilée puisque seuls les intégristes le prescrivent. Un hijab aurait choqué tout le monde, y compris les musulmans pratiquants. Alors voir un salafiste polygame et ses deux femmes bâchées, c’était « Rencontre du troisième type ».
A la même époque et dans les années qui suivirent, des actions politico-religieuses pro voiles menées par des islamistes perturbaient le fonctionnement de certains établissements scolaires en France, avec toutes les conséquences que cela pouvait entrainer pour les filles. En 1994, une lycéenne avait été renvoyée du lycée Emmanuel Mounier de Grenoble pour avoir refusé de retirer son voile. Fanatique, elle campa devant le lycée et entama une grève de la faim en février pour contraindre l’établissement à l’accepter avec son voile qu’elle considérait plus important que ses études. Elle fut soutenue par l’Union des Jeunes Musulmans (UJM), un des satellites créé par l’UOIF. L’association islamiste réussit à rassembler environ un millier de jeunes musulmans venus d’une douzaine de villes pour la soutenir. La grève de la faim de la lycéenne dura 23 jours, en vain. Le lycée ne cédant pas, elle fut transférée dans un autre établissement. Des pressions similaires se multiplièrent en France. Les islamistes rêvaient de cacher les femmes derrière un voile pour préserver leur libido d’obsédés sexuels, comme tous les islamistes du monde. Pendant que des Françaises musulmanes militaient pour porter le voile, symbole du sexisme sous l’influence d’islamistes, des femmes se faisaient égorger au même moment en Algérie parce qu’elles refusaient de se voiler…
Toutes ces pressions sur l’école poussèrent François Bayrou, ministre de l’Éducation Nationale de l’époque, à diffuser en septembre 1994 une circulaire sur les signes religieux ostentatoires. Il faudra attendre encore dix ans, et une expansion des problèmes d’année en année, pour qu’une loi soit enfin votée.