« Salafisation » de l’Islam
Deux raisons majeures contribuèrent à développer l’islamisme en France. En 1979, la révolution islamique iranienne galvanisa les islamistes sunnites. Elle leur rendit une forme de fierté et se dirent aussi « s’ils y sont arrivés, pourquoi pas nous ? ». En 1981 en France, la loi de 1901 fut modifiée pour autoriser les étrangers à créer des associations. Ces deux évènements clés permirent aux intégristes de s’organiser : en 1983, des islamistes réussirent à rassembler plusieurs associations religieuses au sein d’une même union, l’Union des Organisations Islamiques en France (UOIF), branche française des Frères Musulmans. Parallèlement, de nombreux islamistes, dont des salafistes, fuyaient la répression de leur pays respectifs et se réfugièrent en Europe, notamment en France. Ce fut le cas d’islamistes algériens, mais aussi tunisiens et autres. Ils ont pu y assouvir sans entrave leur désir de prosélytisme en prenant le contrôle de salles de prière, en créant leurs propres associations « culturelles » ou bien en s’investissant dans des associations maghrébines laïques pour agir de l’intérieur. Ce fut le cas à Grenoble. La relégation dans des quartiers de plus en plus paupérisés et ethniquement homogènes, la crise économique subie de plein fouet par les immigrés, et le racisme persistant furent les autres facteurs qui permirent à la « salafisation » de l’islam de récolter ses premiers fruits dans les années 1980. Avec les années, les associations « culturelles », qui sont en réalité cultuelles, se multiplièrent.
En décembre 1991 éclata la guerre civile algérienne (1991-2002) qui opposa le régime militaire aux islamistes. Cette guerre marquera durablement nos deux pays sur la question de l’intégrisme, du terrorisme, et de l’identité vécue par une partie des habitants des quartiers populaires français.
Les islamistes djihadistes exportèrent le conflit en France. D’abord par la série d’attentats et de tentatives d’attentats sur notre sol, fomentés par le Groupe Islamique Armée (GIA) dans les années 1990. Mais aussi et surtout par une nouvelle vague de réfugiés islamistes qui mirent leurs « compétences » à profit pour faire du prosélytisme dans les quartiers populaires.
Depuis les indépendances et la forte immigration économique puis de regroupement familial dans l’hexagone, les pays d’origine ont tout fait pour garder un contrôle, ou au moins un droit de regard, sur leurs émigrés. C’est particulièrement vrai pour Grenoble, notamment à travers des associations et y compris dans l’organisation du culte. Jusque dans les années 1990, les pays du Maghreb et la Turquie contrôlaient la quasi-totalité des lieux de culte et plusieurs associations, outils importants de leur politique intérieure et étrangère. Les rares mosquées et salles de prières se partageaient selon les pays d’origine.