Contre toute attente, j’ai grandi dans un pays avec des blancs, autochtones. Si si, des vrais. Des indigènes blancs, nos blancs, qu’on définit comme tels, par leur aspect physique. Les nôtres. Et puis il y a les autres, les autres blancs, les Européens, les Américains, les blancs de l’extérieur. Les autres blancs, ceux de l’étranger, on ne les a jamais désigné par leur couleur.
En arabe, quoiqu’elle en dise, toute personne a forcément une religion. A quelqu’un qui se présente comme athée lui-même, ou que l’on désigne comme tel, on cherchera toujours à savoir quelle est sa religion « à la base » pour l’intégrer dans nos cases préexistantes. Ces cases, elles sont deux : nesrani ou non nesrani, en français, nazaréen ou pas nazaréen, en référence à Jésus (de Nazareth). En arabe, ce mot ne m’a jamais interpellée. Je ne l’ai jamais associé à un vocabulaire religieux et pourtant. Pendant des années, c’est un terme que j’ai entendu et utilisé comme l’équivalent de l’autre, l’étranger. Mais pas n’importe lequel. En faisant la liste de ceux qui justement ne sont pas nassara, je réalise qu’elle est sans appel: Les Noirs, les Juifs (et les Israéliens, du pareil au même), et les asiatiques de façon indifférenciée. Le Nazaréen c’est le blanc, tout simplement, le Chrétien qui superpose encore les définitions d’étranger et d’ancien colon : c’est l’étranger qui domine encore.