La fiancée juive de Damas

Qu’est-ce qui a été détruit ? Qu’est-ce qui a été construit ?

En ce début de printemps 2016, la même chanson jaillit de l’ordinateur dans le petit appartement de Haïfa et Rachel se met à danser. Il y a près de sept décennies, elle et Fouad ont brisé l’interdit. Ils se sont aimés. Pour toujours mais pas très longtemps.

 

Rachel s’arrache à sa famille, son histoire, son peuple, à tout ce qui n’est pas le bien-aimé.

Avril 1948 : c’est la guerre d’indépendance pour les juifs, l’exode pour les Arabes, les Britanniques battent en retraite, la Palestine sous mandat anglais est en train de devenir l’Etat d’Israël. Haïfa, avec son port, constitue un enjeu stratégique majeur pour la Haganah, l’armée de défense juive. Entre les docks et le Carmel, le sang coule dans les deux camps. La famille Elkayam se réfugie à Tel-Aviv. Rachel étouffe et, à Haïfa, Fouad devient fou. S’aimant, ils sont hors de tout, de ces villes, de ce pays, hors des deux peuples : au-dedans d’eux-mêmes. Quand ils ne mêlent pas leur souffle, ils suffoquent. La Bible dit : «Mets-moi comme un sceau sur ton bras, comme un sceau sur ton cœur car l’amour est fort comme la mort.» Le Coran dit : «Vos femmes sont pour vous un vêtement et vous êtes un vêtement pour elles.» Rachel ne sait plus comment, mais soudain Fouad est là, à Tel-Aviv, en bas de chez elle. Et il l’emmène. Il ne l’enlève pas. C’est elle qui s’arrache à sa famille, son histoire, son peuple, à tout ce qui n’est pas le bien-aimé. Elle entasse en tremblant dans son sac toutes les photos qu’elle peut trouver. Père, mère, petites sœurs, quand les reverra-t-elle ? Vite, avant que le terrible frère aîné ne revienne. Vite, vers les bras de Fouad, la fausse paix de l’amour, la vraie guerre des hommes et les routes du destin. Vers Haïfa, Akko. Et encore plus loin. Vers Damas.