Aïssa Doumara, une Camerounaise dans les pas de Simone Veil

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Pour créer un cercle vertueux, il a fallu faire bouger les mentalités, comme l’explique Hamadou Hamidou, le maire de Maroua :

« Avec toute son équipe, Mme Doumara a persévéré dans une tactique d’approche intelligente des personnalités politiques, traditionnelles et religieusesElle mène de main de maître un travail de concertation incessant qui oblige toute notre société à s’interroger sur ses traditions pour attaquer le mal à la racine. Son parcours personnel agit comme un exemple, car elle a réussi à surmonter son traumatisme. Cette dame dégage quelque chose d’extraordinaire : son calme, son écoute respectueuse produisent beaucoup de résultats auprès des hommes. »

Mais le travail ne s’arrête pas là. Quand les représentantes de l’ALVF ne vont pas elles-mêmes à la rencontre des décideurs politiques, l’association produit un rapport annuel à valeur de plaidoyer sur la situation des femmes de l’Extrême-Nord pour aider les parlementaires à faire bouger la loi camerounaise. Celle-ci autorise le mariage dès 15 ans et le conservatisme pousse encore à marier les fillettes bien avant : au Cameroun, 11,4 % d’entre elles sont épousées avant leurs 15 ans et 18,8 % dans l’Extrême-Nord, selon les derniers chiffres disponibles de l’Institut national de la statistique et du ministère de la santé.

« Une cause plus grande que soi »

« Connaissant bien le pays et le territoire où travaille Aïssa, son action est particulièrement remarquable, explique Lady Ngo Mang Epesse, chercheuse en droits des femmes et journaliste camerounaise, membre du jury du prix Simone-Veil. Etre une militante féministe dans un nord majoritairement musulman, de surcroît isolé du reste du pays, est très compliqué. On n’est pas à Paris-centre où on peut brûler son soutien-gorge tranquillement ! »