Pendant les missions qui ont suivi, je me suis lentement blindé face aux réfugiés s’effondrant en larmes au récit des actes atroces de sauvagerie dont ils avaient été victimes. J’ai craint alors de devenir blasé face à ces souffrances. Je pouvais m’en protéger alors que nos dévoués collègues bangladais, et notamment l’infatigable Redwan Ahmed, devaient les écouter entièrement, pour traduire chaque récit effrayant, exprimé entre deux sanglots.
Il est facile de se mettre en colère. Ça m’est arrivé parfois.
En colère contre l’impunité. Contre ceux qui publient des commentaires sous nos dépêches pour dire que les Rohingyas sont des menteurs, des terroristes et des intrus musulmans sur une terre bouddhiste. Contre le fait qu’un million de personnes soient en fuite pour nulle part, vieillissant et mourant dans une prison à ciel ouvert.