« Rachel Khan, inassignable »

Surtout, Rachel Khan ose des punchlines assez affriolantes qui témoignent de sa fréquentation de rappeurs inspirants. Exemples : «Je ne suis pas une synthèse, je suis une insolence.» «Je suis bien plus que double et certainement pas schizophrène.» «L’homogène me dérange. Et le caquètement vindicatif me donne la chair de poule.» «Mon safe-space est une zone de mélange, pas une zone d’exclusion.» Ou encore : «En s’empêchant de désirer, les victimaires deviennent eux-mêmes indésirables.» Elle s’inscrit en faux contre l’écriture inclusive («car les points séparent et le “e” est toujours en fin de mot») et se fiche de l’appropriation culturelle d’un ironique : «Bien sûr, il n’y a que les gazelles qui font des documentaires animaliers.» Cette prise à rebrousse-poil de l’époque ne lui facilitera pas la vie, d’autant que si sa plume griffe joliment, son verbe est moins guerrier, son attitude plus ondoyante. Sur les plateaux des chaînes infos où elle apparaît épisodiquement, il faut la regarder couper son élan, s’arrêter de parler, s’obliger à penser autrement au risque de chuter dans un silence perturbateur. C’est assez inédit, et vaguement fascinant.