Le poète et la cité : Léopold Sédar Senghor

Et qui pourrait donc affirmer, soutenir le contraire ? Senghor. Oui, Léopold Sédar Senghor ou, disons, plutôt son destin singulier, ce destin singulier, somme du possible et de l’impossible. Que nous dit, en effet, l’itinéraire de l’enfant de Sine et de Joal ? Que la politique et la poésie sont conciliables, qu’elles sont deux acolytes, deux associées, deux complices sur les routes de l’histoire, car qu’est-ce la politique sinon la volonté de remodeler, de réécrire, de changer la vie ; et qu’est-ce  la poésie sinon l’art d’enchanter, de ré-enchanter le réel, d’embellir la vie ?

Léopold Sédar Senghor fut d’abord cette plume en éveil, à l’affût des vibrations intimes de son temps, cette plume chercheuse de l’essence de l’homme, c’est-à-dire un poète. Les griots sérère racontent qu’à l’heure de sa naissance, un immense baobab situé à l’entrée de la ville se fendit de tout son long, dans un effrayant crissement : les forces spirituelles qui l’habitaient venaient de prendre la tangente pour aller habiter dans la peau du nouveau-né et guider ses pas. Toujours selon la légende, Basile Diogoye Senghor, prédit alors à son fils un grand avenir : « Le jour où les oiseaux géants voleront dans le ciel en portant des hommes sur le dos, et le jour où le grand serpent pourra aller d’ici au Mali en portant des gens, ce jour-là, mon fils sera un des plus grands hommes. »