La politiste Saskia Schäfer plaide pour la reconnaissance par les citoyens de la pluralité, la temporalité et la variabilité des identités dans une société moderne.
Dans une très célèbre interview fleuve pour la télévision allemande avec le journaliste Günther Gaus, Hannah Arendt racontait en 1964 comment, lorsqu’elle était enfant, son entourage ne lui avait jamais dit qu’elle était juive : sa mère tout à fait areligieuse n’avait jamais utilisé ce mot à la maison, si bien qu’elle n’a pris conscience de cette part de son identité que lorsqu’elle eut à subir dans la rue les commentaires antisémites des autres enfants. Plus tard à l’école, sa mère lui a donné pour consigne de quitter la classe sur le champ en cas de commentaire antisémite des professeurs – la plupart du temps contre des enfants juifs d’Europe orientale – et de les répéter mot pour mot à sa mère, qui irait s’en plaindre ensuite auprès du directeur. Son opinion sur l’importance centrale de son identité juive s’est façonnée au fil des ans, avant même l’Holocauste. Elle affirmait dans une interview : « Lorsqu’on est attaqué pour le fait d’être juif, on doit se défendre en tant que juif. Pas en tant qu’Allemand, citoyen du monde, des Droits de l’Homme ou je ne sais quoi. »