Minorité ou pas ? Les musulmans, entre inclusion et discrimination

J’ai rencontré des tensions similaires entre différentes possibilités d’autoreprésentations des «  minorités  » dans une étude que j’ai mené moi-même sur différents discours dans le débat public sur l’Islam en Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde. Depuis le début de la démocratisation en 1998, les attaques contre les membres de mouvements islamiques plus ou moins grands, ainsi que contre des musulmans LGBT se sont multipliées. On leur reproche d’utiliser les pratiques et les symboles de l’Islam bien qu’ils ne soient que des renégats, et donc pas des musulmans. Ces accusations se retrouvent sous différentes formes et à différents niveaux. Un exemple est la rumeur selon laquelle des fidèles de l’ahmadisme – un mouvement réformiste créé au 19e siècle dans ce qui était alors les Indes Britanniques et aujourd’hui active internationalement – auraient modifié la profession de foi de l’Islam (la shahâda) ce qui équivaut en Islam à une grave insulte au prophète. Cette rumeur ne correspond pas aux pratiques réelles de l’ahmadisme  : les ahmadis récitent en effet 5 fois par jour la profession de foi pendant leurs prières. Mais même les hommes politiques de premier rang répandent régulièrement cette rumeur, en s’exclamant lors de cérémonies de conversion  : «  Dieu soit loué, les anciens ahmadis prononcent la profession de foi  ». De telles affirmations font très vite les gros titres, et ainsi se maintient la rumeur selon laquelle les ahmadis insulteraient le prophète. Lorsqu’en 2011 une attaque sur un groupe d’ahmadis en Java occidental s’est soldée par la mort de trois d’entre eux, le coupable a non seulement été très légèrement puni, mais on a en plus souligné le comportement provocateur des ahmadis, et une personne identifiée comme émeutière a été incarcérée pour plusieurs mois. Les ahmadis ont commencé à se défendre contre cela, et on sent désormais une évolution de la perception des ahmadis dans les médias. Soudainement, on s’est rendu compte à quel point ils étaient ignorés. Leur défense auparavant était assurée par défaut par des militants des Droits de l’Homme. Après les attaques en Java occidental, on a enfin invité des ahmadis en personnes sur les plateaux de télévision, et après qu’une poignée de porte-parole se soient fait entendre, leur point de vue fût aussi relayé dans la presse.