Minorité ou pas ? Les musulmans, entre inclusion et discrimination

L’ethnologue Arjun Appadurai publiait il y a dix ans un livre sur «  la peur des petits nombres  », dans lequel il analyse les origines des «  conflits ethniques  ». Il argumente que la théorie politique libérale avait prévu à la base des «  droits spéciaux  » pour les minorités, qu’elle comprenait comme des associations formelles et temporaires d‘individus  : les penseurs John Stuart Mills et Alexis de Tocqueville voulaient ainsi protéger le système politique de la «  tyrannie de la majorité  ». Mais après que la catégorisation européenne en plusieurs races et ethnies se soit répandue et établie à travers des recensements et l’établissement de cartes géographiques, ces droits spéciaux ont été transposés à des «  minorités substantielles  », soit des minorités définies quasi invariablement selon leur appartenance ethnique ou religieuse. Au lieu de s’investir une année en tant qu’agriculteur exploitant et l’année suivante en tant que père pour la création et l’équipement d’école, les revendications ont été assignées à long termes à des minorités et majorités marquées ethniquement, et ce non pas seulement par l’extérieur du groupe, mais aussi par les membres même de ces catégories déclarées comme «  minorités  ».