Karam adore utiliser les emojis pour s’exprimer. Depuis le siège et l’enfer des bombardements, ce sont surtout les figures tristes qui dominent. Chaque fois qu’un obus s’abat sur son quartier, il nous informe, en ajoutant un emoji blême de peur ou qui transpire. « Les barils d’explosifs pleuvent », dit-il, ou encore : « un obus vient de s’abattre près de chez moi ».
Lorsque le siège a été brièvement brisé par les rebelles début août 2016, il se félicitait un jour en écrivant « j’ai mangé une pizza » accompagné d’un émoji tirant la langue. Mais sitôt le siège revenu, il répondait invariablement qu’il était en train de chercher « quelque chose à manger ». « Vous avez du nouveau sur l’aide ? Il est où ce convoi ? », nous demandait-il, en espérant à travers nous une information de l’ONU. A notre collègue anglophone Maya qui lui demandait s’il avait bien pris son café ce matin, il répondit un jour : « pas de café depuis un mois». De quoi nous culpabiliser avec nos grands mugs d’Americano ou de café au lait sirotés au fil des heures.