Les événements récents en Guyane participent-ils, selon vous, de cette place des colonisés dans l’Histoire de France ?
Ils y participent, car ces territoires n’ont pas atteins le développement économique de la métropole. Il y a un certain nombre de phénomènes d’inégalités territoriales sur lesquelles s’appuie le mouvement de contestation. Les gouvernements français successifs ont choisi, devant le processus de décolonisation à partir des années 60, et face au danger que représentait pour eux la prise de pouvoir de Fidel Castro à Cuba en 1959, de faire une politique de développement. Elle a été lente, insuffisante, et a laissé des secteurs entiers de côté. J’étais en Guadeloupe récemment, et il y avait une petite ville qui n’avait pas d’eau. Les habitants ont barré la route principale, près de la préfecture, pour en réclamer. Ça, on le voit pas dans l’hexagone. Cet exemple très précis montre qu’il y a des zones, des phénomènes d’inégalités territoriales profondes, sur lesquelles s’appuient tout ce mouvement depuis la fin du XXe siècle. L’histoire coloniale, la mémoire de longue durée, la question de l’esclavage : tout ça travaille les sociétés, et surtout des groupes militants. Les jeunes s’impliquent beaucoup dans des groupes culturels, — musique, danse, et font de la politique, s’impliquent dans une revendication d’identité et de spécificité tout en réclamant l’égalité. On est toujours dans la même revendication : vous dites que nous sommes français, donnez-nous la même chose qu’en métropole.