« Une histoire qui prenne en compte les femmes, les colonisés et les immigrés »

Vous sortez d’une vision de l’histoire de France où les populations intellectuelles continentales, blanches, sont au coeur des changements. Quelle importance à la recentrer sur l’action les populations dominées ?

Cela vient du projet global du livre, de faire une histoire par en bas, une histoire des subalternes, et leur donner toute leur place dans ce que l’on appelle aujourd’hui leur « capacité d’agir » (expression développée en 1963 par l’historien britannique Edward Thompson, ndrl). J’ai essayé de traquer, dans les sources, dans les livres qui ont été écrit sur ces périodes, cette « capacité d’agir ». Cette forme de résistance n’est pas seulement une histoire de résistance. Il y en a, mais il y a aussi des compromis, des accommodements, au quotidien, qui est parfois très dur. En les traquant j’en ai trouvé des formes diverses, qu’elles soient individuelles, pour les esclaves qui tentent d’échapper à leur condition avec ce qu’on appelle le maronnage par exemple, ou bien qui limitent volontairement leur travail et se réunissent la nuit pour chanter et danser au détriment de leur forme physique du lendemain. Tout une série d’être au monde, de façons de faire, d’actions petites et grandes, tout au long de cette histoire. Pour moi ces formes d’action, qui ne ne sont pas toujours des insurrections, sont politiques au sens d’une politique du peuple.