En Guinée, la percée wahhabite bouleverse les équilibres religieux

Tout en haut de la ville, le chef des tidjanes incarne cette vieille génération. Jusqu’à récemment, la famille d’Al-Hadj Badourou Bah régnait sans partage sur la ville. En atteste son immense villa non loin de la grande mosquée dont il est l’imam. Son frère, lui, est le gouverneur de la ville. La famille Bah s’est probablement endormie sur ses lauriers. Lui-même reconnaît « avoir négligé les foyers coraniques », laissant le champ libre aux tenants de la « nouvelle science ».

« Une question de suprématie religieuse »

« Le wahhabisme attire les gens parce qu’il bouscule l’ordre social », explique Alimou Barry, membre d’un collectif de prévention des conflits, qui a tenté une médiation entre tidjanes et wahhabites. « Ici, dans le Fouta-Djalon, explique-t-il, survit un système de castes au sein de la communauté peule dont tu peux difficilement sortir. La nouvelle science leur offre cette possibilité en les accueillant dans une communauté plus égalitaire. Chez les tidjanes, seuls les nobles dirigent les prières. » Le pasteur évangélique Barry Kalidou partage cette opinion : « C’est une forme de retour aux sources religieuses, un courant perçu comme réformateur. » Avec un bémol : « Ils ne s’adaptent pas aux cultures locales et jouent sur une forme de repli identitaire. »

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Pour Al-Hadj Badourou Bah, « c’est une menace pour la stabilité de sa ville, et du pays plus généralement »« Ils abusent de la crédulité des populations pauvres et analphabètes. Cela a un impact sur l’ordre social traditionnel, parce qu’ils mettent en cause des traditions familiales comme les cérémonies de mariage ou d’enterrement, source de conflits au sein des familles », prévient l’imam.