« Nous ne sommes pas tous chinois », rigole Boon, grand homme longiligne aux cheveux longs. Le graphiste thaïlandais est arrivé en France à 24 ans pour ses études. Voilà 9 ans qu’il a adopté Paris et déambule dans les soirées hypes de la capitale. Avec cinq de ses amis – originaires du Japon, de Corée ou encore du Vietnam – il a fondé le collectif Yellow Ghetto(link is external), qui organise des événements mettant en avant des artistes du continent asiatique. « On aime bien jouer sur ce terme Yellow, utiliser les insultes racistes et se les réapproprier », explique Kumi, chanteuse et membre du collectif. Elle est fière de rappeler la mixité de leurs fêtes – aujourd’hui plus rares par manque de temps. « On accueille tout le monde. Et on a réussi à ramener des asiatiques dans les soirées branchées, en plein Paris. » Louise Chen est particulièrement admirative de leur travail :
« Leur force, c’est qu’ils créent des ponts entre les cultures. Et en plus, ils font comprendre à des blancs bourgeois qu’ils n’apprendront rien aux asiatiques, qui ont aussi une culture hyper vaste et intéressante ! »
Selon la DJ, la culture, et notamment la pop culture, permet l’ouverture des consciences. « On voit bien quel rôle joue en ce moment les séries et les films dans les luttes afro aux Etats-Unis. Nous sommes en retard, mais il faut compter sur ce combat culturel. » Rui Wang abonde :
« Le soft power est bien plus efficace que la lutte sociale pure et dure. »
Il prend l’exemple du film Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu : « bam ! Tout le monde l’a vu ». Le jeune homme cite ensuite Frédéric Chau, « véritable modèle de réussite ». Ajoutant : « Il en faudrait plus. »
UNE IMMIGRATION RÉCENTE
Dans son bureau à Nation, Rui Wang, 30 ans et agent immobilier lorsqu’il n’est pas à l’AJCF, retrace l’histoire des asiatiques de France. Une immigration qui ne date, pour l’essentiel, que des années 70. « C’est très récent. » Lui-même n’est que de la 2e génération. Ses parents sont arrivés de Chine à la fin des années 80, en Italie puis en France. Il les rejoints, enfant, en 1995. « Quand on regarde les militants des minorités voisines, ce sont souvent des gens de la 3e génération. » Charline Pastorelli, co-fondatrice de l’association Womanability – qui milite pour que les femmes se réapproprient la ville – explique par ailleurs que se penser comme communauté est laborieux :
« Le pouvoir individuel ne suffit pas, nous avons besoin du collectif pour empoweriser la communauté. Il faut collaborer, construire. Ca n’est pas facile et ça prend du temps. »
« C’est drôle, j’ai dû davantage militer pour le féminisme, voir l’afro-féminisme, que pour l’asio-féminisme qui me concerne pourtant directement », rigole-t-elle, concédant qu’il est toujours plus simple de rejoindre une lutte déjà existante. La trentenaire s’inspire d’ailleurs directement des luttes afro aux USA, et des luttes afro-féministes françaises. « L’avancée des unes ouvrent évidemment la porte aux autres », assure-t-elle. « Elles nous ont montré que l’on pouvait parler, témoigner et ne pas se laisser marcher sur les pieds », explique La Jaune Vénére(link is external), 22 ans. L’étudiante, comme Sovanara qui a créer le collectif Sokhanyæ, milite sur Twitter. « On suit beaucoup les blogs des militantes afro-féministes, qui se rapprochent le plus de ce que je vis et ressens », souligne la première. Elle site Amandine Gay et son documentaire Ouvrir la voix, Nkali(link is external) et ses coaching de femmes racisées en entreprise, le collectif Mwasi. Mais aussi des assos comme Lallab, qui défend un féminisme intersectionnel où les femmes musulmanes et voilées pourraient se retrouver.