Asma Lamrabet : « Le Coran n’a jamais été discriminatoire à l’égard des femmes »

Je ne pense pas qu’un théologien qui a aujourd’hui plus de 65 ans soit capable de faire son auto-critique

Les traditionalistes ont-ils réellement un pouvoir dans la société marocaine ?

Évidemment. C’est ce que la sociologue marocaine Fatima Mernissi appelait « la peur de l’imam ». Dans la société, l’imam est représentatif de l’autorité religieuse. Pour légitimer n’importe quelle réforme, il faut passer par lui. Il faut que nos théologiens se réveillent. Leur discours est inaudible. Il est en contradiction avec l’évolution de la société marocaine.

Qui va les réveiller ?

Daesh est en train de les pousser à réagir. Malheureusement. Mais pour tout vous dire, je sens que ce sont les jeunes théologiens qui vont créer le changement. J’ai perdu espoir dans les anciens.

À ce point ?

Je ne pense pas qu’un théologien qui a aujourd’hui plus de 65 ans soit capable de faire son auto-critique. Même si, au fond, il en est convaincu, il ne le reconnaîtra jamais. C’est une question d’ego. Par contre, la jeune génération de théologiens qui monte se sent perdue. Elle se cherche, elle tâte, elle se pose des questions.

Oui, mais ses maîtres à penser sont les mêmes « vieux » en qui vous avez perdu espoir…

Elle réalise que tout ce qui est dit n’est pas forcément sacré. Le problème est qu’elle n’a pas de nouveaux outils de lecture. Ces jeunes théologiens ont suivi la même formation que les vieux. Mais aujourd’hui, cette formation les ébranle, les met mal à l’aise. Beaucoup d’entre eux me l’ont dit dans le cadre de nos échanges. Je pense que cette génération transmettra des questionnements. Celle qui viendra après sera celle du changement.

Par , le 31/03/2017 sur Jeune Afrique