Asma Lamrabet : « Le Coran n’a jamais été discriminatoire à l’égard des femmes »

On n’éduque pas à la responsabilité mais à la prédominance des hommes sur les femmes

Donc, hommes et femmes peuvent hériter à parts égales ? 

Ce que je veux dire, c’est que les interprétations du Coran ne sont pas immuables comme on veut nous le faire croire. On s’est focalisé sur ce verset coranique qui paraît figé, alors qu’il existe dans le Coran d’autres versets qui mettent en valeur l’égalité entre les deux sexes comme par exemple le recours au testament (Al wassiya). En islam, le testament est prioritaire par rapport à l’héritage. Il compense ce qui paraît être une injustice. Je vais même plus loin. Les hommes héritent d’une part supérieure aux femmes pour la simple raison qu’ils doivent les prendre en charge. Pas parce qu’ils sont supérieurs. Et si cette prise en charge n’est plus ? Et si la femme doit travailler pour nourrir sa famille ? Les théologiens ne nous répondent pas sur ces questions du moment. Leur argumentaire est donc très facilement démoli. Quand on apprend aux enfants à l’école que l’homme a une double part en héritage par rapport aux femmes, on ne leur dit pas qu’il a la responsabilité de les prendre en charge. On n’éduque pas à la responsabilité mais à la prédominance des hommes sur les femmes.

Que proposez-vous dans votre livre, alors ?

Le propos de mon livre est de déconstruire l’orthodoxie musulmane qui ne fonctionne plus de nos jours, en utilisant sa propre logique. Certes, il est plus facile de la démonter selon une vision laïque fondée sur les droits de l’Homme, mais comme nous sommes dans des pays musulmans, il faut utiliser ce même référentiel pour prouver à ses détenteurs qu’il ne tient plus la route.

En lisant votre livre, on a l’impression que la femme peut hériter exactement comme l’homme, qu’elle n’est pas obligée de porter le voile, qu’elle peut épouser un non-musulman sans que ce dernier ne soit obligé de se convertir. Et qu’elle peut même devenir imam. Est-ce vrai, ou votre fibre féministe a-t-elle déteint sur vos écrits ?

Ce n’est pas uniquement une question de féminisme. J’ai fait des constats et j’attends des réponses. Jusqu’à présent, les réponses que j’ai eues ne sont pas convaincantes. Pourquoi l’homme musulman a-t-il le droit de se marier avec une non-musulmane sans que cette dernière ne soit obligée de se convertir alors que cela est interdit pour les femmes ? Je ne prétends pas donner une réponse figée mais je questionne, j’interroge, j’ouvre le débat. Ce qui est essentiel, c’est que je refuse toute lecture discriminatoire.

Dans d’autres pays, votre lecture serait considérée comme un blasphème…

Elle l’est déjà. Les salafistes disent qu’elle est blasphématoire, occidentalisée. Mais sincèrement, je pense que le débat avance. Ces questions ne sont plus tabous. En tout cas au Maroc. Regardez comment le Conseil supérieur des oulémas a évolué sur la question de la liberté de conscience ! Avant, il l’assimilait à de l’apostasie. Aujourd’hui, il admet son existence.