Asma Lamrabet : « Le Coran n’a jamais été discriminatoire à l’égard des femmes »

La religion ne doit pas être vécue comme un repli identitaire mais comme une spiritualité libératrice

Les gens ont-ils besoin d’un référentiel religieux pour s’épanouir ?

Oui, mais sous le prisme de la spiritualité, pas du dogme. Or, à travers le monde, le vide spirituel est inquiétant. Regardez l’avancée de l’extrémisme de droite et de tous ces mouvements qui prônent le repli identitaire. Ils se sont eux-mêmes transformés en un dogme qui ne dit pas son nom. Les gens ont besoin de donner un sens à leur vie. La religion ne doit pas être vécue comme un repli identitaire mais comme une spiritualité libératrice.

Votre livre est construit sur un schéma contradictoire dans lequel vous opposez interprétations conservatrices et réformistes. À la fin, on en sort avec l’idée qu’aucune interprétation n’est parfaite, que tout lecture reste personnelle et qu’on ne peut pas l’utiliser pour réguler la vie de millions de gens…

Exactement, toute lecture est humaine. Ce qui fait sens, ce sont les lois qui sont construites par les hommes et les femmes d’une société donnée dans un contexte donné. Le religieux ne donne qu’une éthique et des valeurs : justice, raison, égalité… Il n’édicte pas les lois. La diversité des avis religieux a toujours existé et n’a jamais empêché l’islam d’évoluer. Or, depuis cinquante ans, on veut nous faire croire le contraire.

Le pouvoir politique peut-il forcer une société traditionaliste à adopter une lecture réformiste de l’islam ?

Oui, mais ce n’est pas suffisant. Au Maroc, la loi sur la Moudawana, qui a changé le statut de la femme, peine à être appliquée parce qu’elle n’a pas été accompagnée de sensibilisation. L’éducation est essentielle. Les lois ne sont pas suffisantes. Au Maroc, l’autorité politique est moderniste mais elle négocie toujours avec les traditionalistes. Ce qui atténue la portée de ses réformes.