intégration par le choix d’un lieu d’inhumation hors des pays de référence musulmane dont leur parent était issu. Cela apparaissait d’autant plus important que les États d’origine, en s’appuyant sur le sentiment de transgression que provoque chez certains immigrés le fait de mourir loin de leur ville d’origine, vécu comme la preuve de ne pas avoir respecté un projet initial de retour espéré, utilisent ces retours des défunts dans une tout autre perspective, autant de clientélisme que de contrôle. Avec la volonté explicite, pour certains, d’empêcher l’attachement définitif au pays d’adoption de ceux qui sont partis et l’intégration de leurs enfants. C’est pour cela que cette pression au retour des corps, sans lien avec la tradition musulmane où l’enterre- ment doit être le plus rapide possible, est plus ou moins organisée par des États d’origine des familles, et ne pèse même pas seulement financièrement, mais affectivement parfois jusqu’au désarroi, sur une partie des nouvelles générations nées en France. Des systèmes de cotisation, des assurances privées ou des tontines, spécialités des confréries africaines, existent et sont promus par ces États pour assurer le dernier repos au pays. Cela est même devenu un marché, une sorte de halal de la mort, d’autant plus lucratif pour certains opérateurs privés que le nombre d’immigrés d’origine musulmane dans les pays d’Europe a particulièrement augmenté à partir des années 1980. Or l’enterrement dans le sol du pays où ils ont mené leur vie des parents immigrants est ce qui permet d’ancrer dans la conscience des générations successives qu’elles sont d’ici dans le présent. C’est pour cela qu’il était et demeure important que s’amorcent ces regroupements de sépultures musulmanes dans les cimetières.
Or, un des effets de la crise est le quasi-arrêt des rapatriements des corps des défunts, en particulier vers le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Il semble en aller différemment pour les ressortissants d’origine turque, des rapatriements des corps demeurant organisés. Cette situation amène de nombreux maires à être confrontés à la demande urgente de création de carrés musulmans ou de leurs extensions que la raréfaction du foncier dans les zones urbaines, en particulier, ne permet pas toujours de satisfaire. Il donne le sentiment d’obérer la réalité d’un mouvement de création de regroupements confessionnels musulmans organisé par des collectivités locales qui, depuis plus de trois décennies, permettait de satisfaire peu ou prou une demande en progression d’autant plus lente que la grande majorité des défunts s’organisaient pour ne pas reposer dans un éternel exil en terre d’immigration. Les familles sont ainsi confrontées à une douleur amplifiée par le sentiment de ne pouvoir satisfaire au dernier vœu de leur proche disparu.
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