Tania de Montaigne : « Il faut pouvoir dire noir, jaune, juif »

Cette radicalité vous inquiète-t-elle ?

La vie est trop courte pour se donner les moyens d’être pessimiste. On est entrés dans une ère du flou qui produit de la radicalité. Mais il ne faut pas se laisser sidérer par la radicalité morbide et ne pas la prendre pour ce qu’elle n’est pas : c’est bruyant, c’est impressionnant, mais cela ne représente pas grand-chose. Il faut pouvoir dire « noir », « jaune », « juif », il faut pouvoir s’interroger sur ce qu’est être français et mettre en garde les jeunes générations : ne vous laissez pas voler ce que vous êtes. Vous êtes français, quoi qu’en pensent les identitaires de tout poil. La langue que vous parlez, c’est comme le sang qui coule dans vos veines, cela fait partie de votre personne. On ne peut pas s’arranger et faire le tri dans ce que l’on aimerait garder ou pas, être français, c’est être le protestant qui a été assassiné à Paris comme celui qui l’a découpé, c’est être le juif qui est mort à Auschwitz comme celui qui l’a livré, c’est être le Noir qui est mort dans les bateaux comme l’esclavagiste… C’est tout cela, être français. Aucune couleur de peau n’autorise à faire son marché dans l’histoire. Car être français, ce n’est pas une affaire de couleur.

L’Assignation. Les Noirs n’existent pas, par Tania de de Montaigne, Grasset, 96 pages.