« Musulmans de France » – 4 questions à Vincent Geisser

Oui, les citoyens français de religion musulmane sont des « êtres anormalement normaux » pour reprendre l’expression du politologue Bruno Etienne (1937-2009). Pour eux, les attentats terroristes constituent une véritable épreuve existentielle. D’abord, une épreuve personnelle en tant que père, mère, frère ou sœur, etc., sidérés, choqués, bouleversés et angoissés par la violence des actes terroristes. A ce niveau, ils ont réagi aux attentats comme n’importe quel Français, à partir de leurs statuts sociaux ordinaires. Notre enquête remet en cause l’idée d’un habitus musulman qui conditionnerait des réactions particularistes au terrorisme djihadiste. C’est oublié que, parmi les victimes, se trouvaient des Français de religion musulmane[1]. Ensuite, la violence terroriste a représenté pour les musulmans de France une épreuve citoyenne, les interrogeant sur leurs liens civiques et civils avec la société française, et ceci d’autant plus qu’ils étaient souvent montrés du doigt, non pas en tant que coupables du terrorisme, mais comme potentiellement responsables. Généralement, ils ont très mal vécu les formes d’injonction à devoir se distancier des djihadistes sans que cela ne les empêche, pour autant, de condamner publiquement la violence, de participer aux « marches républicaines », voire d’initier eux-mêmes le dialogue avec les autres citoyens français dans un put préventif. Enfin, pour les croyants et pratiquants, le moment terroriste les a interpellés dans leur foi et conviction religieuse, d’autant plus que les djihadistes se réclament de la même religion qu’eux.