La seule chose un peu réconfortante, c’est que les Français se tiennent dans leur grande majorité assez loin de tout ce cirque – car c’est aussi, d’abord, un cirque médiatico-militant. En effet, les enquêtes le démontrent, même s’ils redoutent le communautarisme, ils rejettent globalement le racisme et la stigmatisation. Ce qui est plus inquiétant, c’est de voir des élites se mêler des affaires identitaires, non pour les déplier, mais au contraire pour catalyser et amplifier la grogne. De part et d’autre de la tenaille identitaire, on acquiesce à la partition ethnique comme une évidence : à l’extrême-droite, c’est un fait entendu, puisqu’elle n’existe que pour et à travers cette guerre des identités. Mais à gauche, c’est nouveau et c’est grave. C’est d’autant plus grave lorsque ce n’est plus l’expression d’une colère, mais une prétention savante, qui entend « déconstruire » une réalité présentée comme un destin, celle de « races sociales » (sic) qui verraient depuis un temps immémorial la domination du colonialisme « blanc » sur les peuples « racisés ». Fondée sur une histoire tronquée et falsifiée, cette doctrine pavée de bonnes intentions mène tout droit à la guerre des civilisations. De fabrication universitaire autant que militante, elle est aujourd’hui présente, vulgarisée et adoucie, dans les médias. L’indigénisme se dédiabolise et devient mainstream, tout comme Zemmour, de son côté, a normalisé l’éloge de Pétain. Ces deux discours, ces deux démarches se ressemblent : non seulement par leur radicalité, mais aussi parce qu’elles sont le fait de gens qui, pour l’immense majorité d’entre eux, dénoncent des situations qu’ils ne connaissent pas ou ne connaissent plus, et qui, n’ayant rien à craindre personnellement d’une guerre des identités, auraient beaucoup moins de raisons d’apparaître si les choses allaient mieux dans le pays. La guerre identitaire, ce n’est pas seulement un fait politique, c’est aussi un business et un statut social.
1+