D’où vient selon vous cet aveuglement sur les faits ? Est-on face à une forme de naïveté ou face à quelque chose de plus inquiétant ?
« Ce que je redoute est que ces mouvements de balancier identitaires, dont les oscillations sont de plus en plus grandes, ne soient pas la cause, mais plutôt l’effet d’un effondrement moral bien plus grave. »
L’effondrement moral, ce n’est jamais un phénomène univoque : il se produit quand on perd le sens des réalités et le sens des proportions, que l’on confond les périodes historiques, même lorsqu’on est ou qu’on se croit animé des meilleures intentions du monde. Que les gens modestes ressentent des peurs et des colères, c’est normal et je n’aime ni qu’on méprise cela, ni qu’on choisisse entre les « bonnes » colères et les mauvaises, ni surtout qu’on se montre compréhensifs voire complaisants envers des formes de violence qui s’ennoblissent de « rébellion ». Ravager un centre commercial, c’est condamner des travailleurs immigrés à partir aux aurores de chez eux pour venir ramasser et réparer les dégâts. Quand, en plus, cela donne lieu à des tags pour appeler à brûler les flics ou pour glorifier l’attentat de la préfecture de police, c’est indécent. Les pétitionnaires du Monde parlaient de silence face à la violence ? Là, on peut dire que le silence de beaucoup de défenseurs auto-proclamés de la justice sur ces exactions est éloquent…