Une discrimination administrative
Alors que les « mariages mixtes » augmentent dans la société tunisienne, une série de mesures administratives s’immiscent à partir de 1962 dans la pratique juridique, en défaveur de la femme. En cette année où l’appellation de mufti, sorte de ministère du culte créé en 1957, adjoint la mention « de la République », une circulaire du 17 mars 1962 du secrétariat d’État à l’Intérieur enjoint les officiers d’état-civil de ne pas célébrer le mariage d’une Tunisienne musulmane avec un non-musulman.
Plusieurs textes administratifs émanant des ministères de l’Intérieur et du premier ministère suivent (19 octobre 1973 ; 5 novembre 1973 ; 21 août 1974 ; 30 mars 1987 ; 14 mai 1988).
Ils sont pourtant incompatibles avec les lois antérieures : aucune disposition du code du statut personnel de 1956 ni de la loi réglementant l’état-civil de 1957 n’empêche le mariage de la Tunisienne avec un non musulman ; ainsi qu’avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes ratifiée par la Tunisie depuis 1967 (avec levée des réserves en 2011).
La formalité est certes relativement facile et on ne connaît pas de refus de certificat de conversion de la part des autorités tunisiennes, mais beaucoup de couples refusent de passer par cette démarche prénuptiale, considérant qu’elle est humiliante, hypocrite ou abusive. Beaucoup de Tunisiennes se marient hors du pays le contrat n’étant pas alors reconnu par la loi nationale.
Cela entraîne des conséquences, notamment sur les enfants qui ne peuvent devenir Tunisiens que s’ils en font la demande à leur majorité. Dans le cas d’épousailles avec des Libanais, des Égyptiens ou des Palestiniens, le flou a pu parfois être maintenu mais la règle est que les prétendants au mariage avec une Tunisienne doivent parcourir un chemin spécial, les obligeant à montrer des signes de leur conversion à l’Islam (par la chahada par exemple, profession de foi) et à attendre un certificat du mufti les déclarant musulmans.