Sur le site de l’organisation, les anglicismes et le jargon typique du monde des start-up ont de quoi surprendre. Le 11 février, Juliette (1), diplômée de HEC, a participé à la première vague d’épreuves de sélection de la seconde cohorte, dans les luxueux locaux parisiens du cabinet de conseil AT Kearney. «C’est un beau défi, l’occasion de rendre un peu de ce que la société m’a donné», confie la jeune fille qui, depuis avril, sait qu’elle fera partie de la trentaine de candidats retenus pour enseigner à la rentrée prochaine. Pour être acceptés, les quelque 60 postulants ont dû préparer une minileçon sur un sujet et dans la discipline de leur choix, répondre collectivement à une question pédagogique donnée et passer un entretien individuel. Le tout devant un jury composé de personnalités issues de l’Education nationale mais aussi du privé, telles qu’un membre des ressources humaines de L’Oréal.
Mélange des genres
Si les enseignants sont rémunérés par l’Education nationale au même salaire que les autres contractuels, Teach for France reçoit des subventions du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports ainsi que d’entreprises partenaires comme AT Kearney, Eurazeo et Western Union. Un mélange des genres critiqué par les syndicats enseignants. Pour Paul Devin, inspecteur de l’Education nationale et secrétaire général du SNPI-FSU, Teach for France ouvre une brèche dangereuse en légitimant la privatisation des services publics. «La formation des professeurs de l’Education nationale doit rester publique pour être mise à l’abri des enjeux idéologiques», argumente le syndicaliste. Et de souligner la présence au sein du conseil d’administration de l’association de Laurent Bigorgne, directeur du libéral Institut Montaigne, proche de Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Education nationale, mais surtout ami intime d’Emmanuel Macron. Agueda Perez confirme cette lignée : «Notre positionnement est justement de proposer des solutions en partenariat avec le rectorat et le gouvernement.»