De la majorité, à mon avis, non. D’un état d’esprit, peut-être. Cet islam-là est très peu religieux, il est identitaire. N’oublions pas que l’islamisme est, dans l’histoire des idées, un progressisme, qu’il se présente comme tel, qu’il a longtemps été vu sous ce jour par des intellectuels occidentaux. Cela a donné d’abord l’islamo-marxisme, avec Khomeiny, l’islamo-gauchisme par la suite côté sunnite. Mais allons plus au fond de la question. Pour un certain nombre de Français musulmans, qui ne se diront pas islamistes, qui sont même tout à fait éloignés de telles thèses, le combat contre l’islamophobie, compris comme un racisme antimusulman, l’emporte sur la lutte contre l’islam politique, qui n’est souvent pour eux qu’une forme de défense de bon aloi de ce qu’ils pensent être le droit le plus strict pour tout musulman d’être musulman.
Ensuite, dans les quartiers populaires, on est socialement de gauche et religieusement conservateur, pour aller vite. Comme au Maghreb, du reste, où l’islam participe d’une décence commune contre la «perversité des élites corrompues», où il est par ailleurs un acquis identitaire, de type anticolonialiste et révolutionnaire. Une partition que n’ont cessé de jouer des partis islamistes au Maghreb, relayés en France et ailleurs en Occident par des intellectuels tiers-mondistes, universitaires ou journalistes.