LAÏCITÉ – “Je vais simplement vous dire ce que j’ai sur le cœur….” Ce dimanche 16 octobre, la France commémore la carrière de Samuel Paty, professeur d’Histoire-géographie assassiné un an plus tôt pour avoir montré, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression, des caricatures de Mahomet aux élèves qui le souhaitaient. Un enseignant attaché aux principes républicains, comme a tenu à le rappeler Sophia Aram.
article par Paul Guyonnet publié sur le site huffingtonpost.fr, le 16 10 2021
À la demande de la famille de Samuel Paty, la comédienne a rédigé un texte adressé à ses anciens élèves (qui a été diffusé sur les réseaux sociaux du Secrétariat général du Comité interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation). Une lettre dans laquelle elle revient sur les enseignements qui étaient si chers au professeur également chargé de l’éducation civique et morale, et sur l’importance pour la démocratie française des valeurs qu’il défendait.
“Samuel Paty voulait vous apprendre à penser par vous-mêmes. C’est pour cela aussi que mes amis de Charlie Hebdo ont été assassinés”, explique notamment Sophia Aram, qui insiste sur la nécessité de chérir les principes de liberté de culte et d’expression tels qu’ils sont enseignés en France.
Faire vivre le souvenir d’un homme
En préambule, l’humoriste prévient: elle n’a jamais rencontré Samuel Paty, et a rédigé son courrier simplement à partir de l’image ébauchée de lui depuis son assassinat. “Je me suis dit que je ne connaissais de votre professeur d’Histoire-géo que les hommages qui lui ont été rendus, les mails publiés, le contenu du cours qu’il vous avait tenu sur la liberté d’expression, les témoignages de ses collègues. Des bribes de vie noyées dans un océan de douleur.”
Lorsque la famille de Samuel Paty a suggéré que je vous écrive une lettre… https://t.co/qpNxJrrAdR
— sophia aram (@SophiaAram) October 16, 2021
C’est en cela qu’elle demande à ses lecteurs, les élèves du professeur, de faire vivre sa mémoire, eux qui sont les seuls à garder une trace des moments partagés avec l’enseignant. “Samuel Paty au tableau, ses expressions en classe, ses blagues, les progrès que vous aviez fait ensemble….”, liste-t-elle. “Cette part d’humanité que vous partagez est essentielle. Un bon prof, c’est un compagnon, une rampe qui nous guide tout au long de la vie.”
Sophia Aram revient aussi sur l’assassinat en soi. “J’aimerais vous rappeler que vous n’êtes pour rien dans ce drame. Ni vous, ni Samuel Paty, ni ce qu’il a dit, ni les caricatures qu’il a montrées ne sont responsables. Les seuls responsables, ce sont ceux qui l’ont désigné pour cible et celui qui l’a assassiné.” À l’inverse, poursuit-elle, Samuel Paty a simplement voulu partager des connaissances et éveiller ses élèves au monde qui les entoure.
Un pilier fondamental de la société française
“Samuel Paty n’a fait qu’une chose, c’est vous transmettre un savoir sur la liberté d’expression, la liberté de conscience, la liberté de penser et la liberté de croire ou de ne pas croire. Vous l’appelez comme vous voulez, mais il s’agit bien de liberté, de notre liberté”, se lance Sophia Aram au cœur de son sujet, insistant sur l’aspect indissociable des libertés de croire et de ne pas croire.
“Des libertés qui ne font qu’une”, résume-t-elle et “grâce auxquelles il est possible de critiquer et même de rire d’une religion, mais aussi d’adopter ses principes et son dogme.” Elle insiste: “C’est un tout.”
Dans son courrier, elle insiste à ce propos sur la spécificité française de la conception de la laïcité. “En France nous avons une chance assez rare: cette liberté est un droit inscrit au cœur de notre République. Et un droit, ce n’est pas un respect déguisé.” Sophia Aram précise ici sa pensée en déclarant qu’à ce titre, personne n’a ”à mettre de l’eau dans le vin de ses conviction pour ménager les susceptibilités”, mais que chacun jouit d’un “droit absolu, celui d’être libre de penser et de croire.”
Une vision des choses qui rend viable le modèle de société dans lequel évoluent les anciens élèves de Samuel Paty. “S’il fallait respecter les convictions et les idées de chacun, on ne pourrait plus rien dire”, assure-t-elle. Et d’évoquer les historiens et les archéologues ne pourraient pas remettre en cause l’idée que Dieu aurait créé la Terre, et les convaincus ne pourraient pas dire l’inverse sans blesser ceux qui invoquent la raison.
Elle conclut son vibrant plaidoyer pour le respect des libertés de culte et d’expression: “La peine des uns, aussi sincère soit elle, ne peut pas être invoquée pour limiter la liberté des autres de croire et de penser. Cette liberté est un droit.”