Dénoncer au nom des droits de l’homme le sort réservé à Alexeï Navalny ou celui des Ouïgours ne relève pas de l’ingérence dans les affaires intérieures de la Russie ou de la Chine, mais de politique étrangère, souligne, dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».
article par l’éditorialiste Alain Frachon publié sur le site lemonde.fr, le 11 02 2021
Chronique. Reçu au Kremlin, à Moscou, le 21 juin 1984, François Mitterrand dit tout haut ce que les « Occidentaux » n’osaient alors pas dire en ces lieux : dans les relations entre Etats, les droits de l’homme, ça compte. S’adressant à son hôte, Constantin Tchernenko, président du Présidium du Soviet suprême de l’URSS, le chef de l’Etat français évoque le sort du plus célèbre des dissidents soviétiques de l’époque, Andreï Sakharov – coupé du monde, en résidence surveillée, interdit de téléphone et de visite, dans la ville de Gorki. Le président Mitterrand cite les accords d’Helsinki (août 1975) dont l’URSS est signataire et qui comprennent une « corbeille » droits de l’homme et libertés fondamentales. A ce titre, « nous vous parlons parfois des cas de personnes dont certaines, poursuit-il, atteignent une dimension symbolique. C’est le cas du professeur Sakharov ». La seule mention de ce nom au Kremlin, devant la crème de la nomenklatura soviétique, brisait un tabou. Le lendemain, les propos de François Mitterrand étaient censurés dans la presse moscovite.