Selon l’écrivaine, « il y a une grande différence entre être contre le voile et s’attaquer à une femme voilée. » La députée Anne-Christine Lang lui a répondu.
LAÏCITÉ – “Lamentable”, “indigne”, “déloyal”. Quatre jours après que plusieurs députés dont l’élu LREM ont refusé d’entendre en commission à l’Assemblée nationale Maryam Pougetoux, une étudiante membre de l’Unef, au motif qu’elle portait le voile, l’écrivaine Leïla Slimani a réagi avec beaucoup de tristesse à cette nouvelle polémique, fustigeant des politiques “qui veulent nous faire vivre dans un monde de silhouettes, pas avec des hommes et des femmes”.
Sur le plateau de l’émission “C Politique” sur France5, la journaliste née au Maroc et lauréate du prix Goncourt 2016 a regretté un acte contraire aux idéaux de la République. “On ne m’avait pas dit que la démocratie, c’était d’humilier les gens, de les mépriser, de leur dire qu’on ne les reconnaît pas comme citoyen et qu’on ne veut faire pas société avec eux.”
“On a le droit d’être contre le voile, ça, je le comprends (…) Mais il y a une grande différence entre être contre le voile et s’attaquer à une femme voilée”, a-t-elle insisté. “Parce que faire ça, c’est faire la même chose que s’attaquer à une femme qui montre ses cheveux en lui disant qu’elle est une prostituée. C’est réduire la femme à ce qu’elle a ou pas sur la tête.”
"Il y a une grande différence entre être contre le voile et s'attaquer à une femme voilée." L'écrivaine Leïla Slimani dans #CPolitique pic.twitter.com/BaCKLlqRsr
— C Politique (@CPolF5) September 20, 2020
“Est-ce que la femme qui voit là un signe de soumission se comporte de la même manière avec tous les gens qu’elle pense soumis? Est-ce qu’elle méprise les gens soumis?”, s’est également interrogée Leïla Slimani, visiblement très déçue par la réaction des députés et leurs justifications. “Et dernière chose: que ces gens osent se justifier en invoquant le féminisme, ça me fait honte. Le féminisme est un humanisme, ce n’est pas de manquer de respect aux gens.”
Un peu plus tôt dans l’émission, l’autrice s’était déjà attardée sur la propension actuelle à aller vers l’indignation davantage que vers la réflexion, à préférer la caricature et la radicalité à la nuance. Des choix de facilité, selon elle, qui ne font qu’appauvrir le débat public et par extension la richesse de la société. “Dès que vous êtes nuancé ou équilibré, on vous dit que vous êtes lisse, lâche, politiquement correct. Or moi je pense qu’il y a un vrai confort de la radicalité, c’est facile.”
“Notre société a besoin de plus d’intelligence, de compréhension, de temps long”, ajoutait-elle, incitant à aller vers l’autre lorsqu’il est différent plutôt que de le fuir et de refuser le dialogue avec lui.
« Je trouve ça facile d’être radical. Il est beaucoup plus facile de s’indigner que de penser. »
"Aujourd'hui, on vit dans une société qui laisse peu de place à la nuance. Dans une société qui survalorise la radicalité. Hors je trouve ça facile d'être radical. Il est beaucoup plus facile de s'indigner que de penser." L'écrivaine Leïla Slimani dans #CPolitique pic.twitter.com/uqUlMWDe65
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La députée LREM campe sur ses positions
Sur Twitter, la députée LREM de Paris Anne-Christine Lang -qui avait quitté la commission en compagnie des élus LR- a de son côté campé sur ses positions. Elle assure ainsi qu’il n’y a aucune attaque ciblée contre Maryam Pougetoux, mais seulement un “refus de la provocation de l’Unef, la défense de l’institution et de ses valeurs, de la République et du féminisme universaliste”.
Des arguments, on l’aura compris, qui ne risquent guère de convaincre Leïla Slimani, et qui reprennent littéralement ce que l’autrice dénonçait sur le plateau de France 5. Dialogue de sourds.
Le 17 septembre, durant la fameuse commission qui avait viré au procès en communautarisme, la présidente LREM Sandrine Mörch avait bien rappelé que le port du voile n’était aucunement une atteinte à la laïcité et que le port de signes religieux n’était pas interdit parle règlement de l’Assemblée.