Val-de-Marne : les «daronnes» des cités unies contre les rixes

Les mamans de six communes  ont lancé l’Union des familles solidaires du Val-de-Marne (UFS 94) pour faire front contre les violences entre jeunes. Elles avaient rendez-vous ce dimanche à l’occasion de la journée des droits des femmes.

article par Corentin Lesueur, publié sur le site leparisien.fr, le 07 03 2020

Fanta Macalou doit désormais composer avec un agenda de ministre. Mercredi, elle était à Limeil-Brévannes pour conseiller des mères de famille dépassées par leurs progénitures, entre « tirs de mortiers sur les bus » et « jeunes sans emploi ».

Plus tôt dans la semaine, elle s’est rendue à Sucy-en-Brie, pour en aider d’autres dans la rédaction des statuts d’une toute nouvelle association, là aussi pour sauver des gamins du triptyque chômage-rixe-prison, sinon pire

Et ce dimanche, les parents – essentiellement des mamans – du collectif d’associations qu’elle a contribué à créer, l’UFS (Union des familles solidaires), se retrouveront, à Villeneuve-Saint-Georges, pour une journée sur le thème « femmes sans frontière ».

Car c’est à Villeneuve-Saint-Georges, sa commune, que tout a commencé pour la « daronne ». Patronne de l’association Femmes Solidaires DVA, lancée en 2012, elle s’est taillée une sacrée réputation en organisant des rondes, la nuit tombée, avec d’autres mères des quartiers. Gilet fluo sur le dos, elles sillonnent les cités pour convaincre les – jeunes – zonards qu’ils seraient bien mieux sous la couette qu’au pied des immeubles, à refaire le monde à l’infini.

« Cassure » entre les jeunes et les institutions
Septembre 2019. Sous les lumières d’un paquet de sollicitations médiatiques, du Parisien au micro de Jean-Jacques Bourdin, Fanta se fait connaître, et devient source d’inspiration dans des villes voisines. Experte des banlieues du Val-de-Marne, la quadragénaire observe : « On constate tous les mêmes problèmes : des jeunes qui décrochent, des jeunes qui squattent, des jeunes qui s’affrontent. »

Après Villeneuve-Saint-Georges, des mères de cinq autres communes ont décidé de s’engager, à Boissy-Saint-Léger, Bonneuil, Limeil-Brévannes, Sucy-en-Brie et Valenton. Toutes ont vu leurs jeunes s’affronter dans des rixes devenues des classiques de la rubrique faits divers du Val-de-Marne

À Bonneuil, Maro Gassama a créé l’association Ensemble Familles Solidaires : « On ne peut plus rester spectateurs, regarder nos propres enfants s’entre-tuer ou détruire leur avenir. Il y a une vraie cassure entre nos jeunes et les institutions comme la police, mais ils ont encore confiance en nous, les mamans. On peut entrer dans les foyers, dans les familles. Essayer ensemble d’arrêter la violence. »

« Nos jeunes s’affrontent sans raison, et de plus en plus jeunes, déplore Kounnady Kanté, qui prépare donc les statuts d’une nouvelle association à Sucy-en-Brie. Nous, parents, on doit s’aider. On doit se donner des conseils pour aider tout ça. »

Et pas question de s’imposer entre adultes ces frontières communales qui justifient chez certains « petits » d’aller jouer aux gros bras chez les voisins. En février, les associations, immatriculées ou sur le point de l’être, dans les six communes, ont signé une convention.

«des « daronnes » rassemblées   » »
Ensemble, elles forment l’Union des familles solidaires du Val-de-Marne (UFS 94). Avec un souhait : multiplier les rencontres et échanges entre familles pour limiter les risques d’affrontement inter-villes. Une initiative déjà saluée par les élus.

« Nous les soutenons, assure Patrick Douet, maire (PCF) de Bonneuil. On ne sera jamais de trop pour lutter contre cette violence, ces guerres de territoires dont on ne comprend pas les origines. Nous-mêmes, on essaie de multiplier les partenariats avec Boissy, par exemple. On invite leurs enfants avec les nôtres dans nos camps de vacances. Pour qu’ils apprennent à se connaître, et comprennent qu’ils n’ont pas à se taper dessus. »

A la préfecture, on se dit « toujours très favorable à la mobilisation des citoyens pour la sécurité, en synergie avec tous les acteurs locaux. » La preuve : plusieurs « daronnes » participent au Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) de leur ville.

« C’est la journée internationale des femmes, rappelle Fanta. On veut montrer que nous sommes fortes. Si on a été capables de porter nos enfants pendant neuf mois, ce n’est pas pour abandonner le combat une fois qu’ils sont nés. On doit se battre, sans se victimiser : tout le monde est responsable dans cette affaire. »

LIRE AUSSI > Bonneuil-Boissy : les mamans disent stop aux violences