Toni Morrison : aux origines du racisme, la violence du langage

Comment s’expliquer, en effet, sinon, que nous n’éprouvions aussi violemment, dans nos rapports avec autrui, des sentiments d’identification aussi intenses ? Que nous cherchions aussi désespérément à nous identifier ou, au contraire, à nous dissocier des autres ? Sinon parce que nous identifiant à cet autrui ou, au contraire, nous dissociant avec violence de lui, nous répondons aux histoires que nous voulons. Et peut-être devons-nous nous raconter à nous-mêmes pour survivre dans une société faite de hiérarchies, de différences sacralisées par toutes sortes de rituels ? C’est du moins ainsi que, scrutant d’abominables archives qui relatent le lynchage ou le viol des hommes et femmes noires, Toni Morrison est amenée à se demander si les récits sadiques des propriétaires blancs ne témoignaient pas en vérité d’une peur panique : celle de se reconnaître et de reconnaître sa propre humanité dans l’humanité noire.