Les médias anglo-saxons présentent les attentats islamistes qui frappent la France sous un jour trompeur. Pour rendre compte de l’assassinat de Samuel Paty, le New York Times a titré : « La police tire sur un homme et le tue après une attaque au couteau ». Or ici, les mots sont importants. Décryptage.
article par Brice Couturier publié sur le site franceculture.fr, le 30 10 2020
Après l’attentat de Conflans-Sainte-Honorine, lors duquel un professeur d’histoire, Samuel Paty, a été décapité par Abdullakh Anzorov, un jeune Tchétchène auquel la France avait accordé le statut de réfugié, le New York Times a titré : « La police française tire sur un homme et le tue après une attaque au couteau dans la rue ». Parce que les mots sont importants, le choix de cette formulation mérite un décryptage.
Euphémisme, litote et méiose
L’ordre dans lequel sont présentés les faits également. Il convient de s’y arrêter. « La police ». Une entité abstraite, un collectif, « tire sur un homme », présenté, lui, comme une personne isolée, sans qualificatif. Et cette information, précise, elle – il a été « tué » -, précède les circonstances et la cause de cette liquidation : les policiers ont dû l’abattre parce qu’après son crime, il s’est attaqué à eux ; au lieu de se rendre, ce qui lui aurait valu la vie sauve. A la limite, le tueur devient une victime de la police… Un comble !
« Une attaque au couteau » ? Information volontairement vague, à rebours de ce qu’aurait donné les mots, autrement plus précis et atroces, comme égorgement et décapitation… On reconnaît l’un des procédés stylistiques trop souvent utilisés par les locuteurs cherchant à minimiser les auteurs d’actes terroristes, quand ce n’est pas à les excuser sous prétexte de les expliquer.
« Une attaque au couteau » est un euphémisme pour décrire ce qu’a subi l’enseignant. On pourrait même utiliser la figure rhétorique appelée méiose pour décrire ce titre du New York Times. Un euphémisme par lequel on cherche à rapetisser l’importance d’une réalité, comme lorsqu’on traite « d’égratignure » une blessure grave. Mais ce procédé permet de donner toute son importance à l’autre information, placée en tête, alors que logiquement, elle aurait dû succéder à la première : Anzorov a été « tué » par la police.
Pourquoi les médias anglo-saxons font-ils preuve d’un tel aveuglement ?
Sur le site UnHerd, l’un de ceux qui prétendent permettre aux intellectuels britanniques de « penser contre le troupeau », Liam Duffy, un expert du contre-terrorisme, s’interroge : Pourquoi les médias anglo-saxons attribuent-ils systématiquement le rôle du méchant à la France, dans les attaques terroristes dont certains de ses habitants sont régulièrement les victimes ?
Les Français ne sont plus affligés ou atterrés, écrit Liam Duffy, comme lors des nombreux attentats islamistes qui ont précédé l’assassinat du professeur d’histoire. Ils sont exaspérés et ils sont en colère.
« Une partie de la colère des Français est réservée à la presse anglo-saxonne. Un nombre croissant de personnes, au sein du gouvernement comme hors de ce milieu, ont le sentiment que leur pays est mal représenté dans l’Anglosphère« . Liam Duffy
Beaucoup de commentateurs britanniques et américains se sont indignés des lois françaises proscrivant le port de signes religieux ostentatoires à l’école, au collège et au lycée. En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, au contraire, les politiques multiculturalistes protègent la valorisation des appartenances communautaires.
Du coup, ces pays tendent à considérer l’Etat Français comme pratiquant une laïcité de combat, voire comme un « Etat athée », combattant les religions, au nom de sa propre idéologie, érigée en religion laïque. Alors que la laïcité n’est nullement un athéisme d’Etat.
La laïcité, c’est la neutralité de l’Etat et, en aucun cas, l’effacement des religions dans la société, dans l’espace public. La spiritualité, c’est l’affaire de chacun. La laïcité, c’est l’affaire de tous. Emmanuel Macron, discours sur le séparatisme islamiste, Les Mureaux, 2 octobre 2020
La laïcité, c’est ce qui permet la cohabitation non conflictuelle des religions – tout en préservant les droits des athées à ne pas adhérer à une croyance quelconque. Mais les Anglo-Saxons peuvent-ils comprendre un concept, qui n’existe même pas dans leur langue ? Le mot « secularisation » n’est pas identique à notre « laïcité ».
Un problème politique interprété comme un problème racial
lls ont tort, en tous cas, selon Liam Duffy, de sous-estimer l’ampleur des problèmes posés à la France par « un écosystème en pleine expansion dans les banlieues et inculque aux enfants un sentiment d’hostilité envers les valeurs et la culture française ». Aussi, lorsqu’ils arrivent dans les institutions scolaires, qui leur enseignent les sciences et l’esprit critique, ils sont déchirés entre les prétendues révélations de leur religion et les vérités établies du savoir objectif.
On se souvient que, selon l’étude qualitative, publiée par Olivier Galland et Anne Muxel dans La tentation radicale, 80 % des élèves musulmans affirmaient privilégier la supériorité de la religion sur la science, pour expliquer la création du monde. « Le jour du contrôle, on va mettre ce que le prof nous a demandé, mais mentalement, on pense ce qu’on veut », expliquaient plusieurs interviewés.
« Macron ne fait pas la chasse à un croquemitaine », écritLiam Duffy, . Ce qu’il entend par « séparatisme islamiste » est une réalité en France, davantage que dans bien d’autres pays européens.
Lorsque le New York Times met l’accent sur le fait que « la police a tiré », il plaque sur la réalité française les lentilles déformantes de la réalité américaine et du meurtre de sang-froid de George Floyd, désarmé, par le policier Derek Chauvin. Dans les principaux quotidiens américains de gauche, le New York Times et le Washington Post, le terme « djihadisme » n’apparaît jamais. Et lorsqu’ils finissent par imprimer le mot « islamisme », c’est pour en attribuer la paternité à Macron, et ce, de manière désapprobatrice. Mais ces journaux ne cessent de mettre en garde contre « la répression » dont les musulmans seraient victimes en France.
Contactée par Liam Duffy, Caroline Fourest déplore cette représentation faussée des réalités française : « C’est le soft power américain qui vient en aide au soft power islamiste ».
Pour Liam Duffy, ce à quoi est confrontée la France n’a rien à voir avec un « problème racial », tel que celui qui mine la société américaine. Il s’agit bien du problème politique que cause à notre pays « la montée en puissance d’une idéologie politique suprématiste et totalitaire qui menace la République et empêche des citoyens d’accéder aux droits et aux protections qui leur sont garantis – l’islamisme. »
Le retard de la diplomatie britannique à exprimer sa solidarité
Erdogan a traité Macron de malade mental et cherche à instrumentaliser les immigrés d’origine turque contre la République française, en prétendant que le sort des musulmans en France est comparable à celui des Juifs sous l’Occupation. Nombre de pays européens ont exprimé leur solidarité envers la France. La diplomatie britannique s’est révélée extrêmement réservée. La France, avertit Liam Duffy, saura s’en souvenir. Lorsque la Grande-Bretagne sera une fois encore victime d’un attentat islamiste majeur…