Mercredi 12 septembre, la loi sur les violences faites aux femmes, adoptée en février, entre en vigueur. Résultat d’un combat de longue durée, cette loi apporte des progrès mais reste insuffisante, notamment dans le domaine de la violence conjugale.
revue de presse publiée sur le site de courrier international le 12 09 2018
“La loi 103-13 relative à la violence faite aux femmes est le résultat d’un combat de plus de trente ans pour faire prévaloir les droits des femmes, les protéger et tenter de mettre fin aux torts qu’elles subissent”, souligne Yasmine Zaki, juriste stagiaire et membre de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), citée par Le Matin. Adopté le 14 février 2018 par 168 voix pour, 55 voix contre et aucune abstention, ce projet de loi porté par la ministre Bassima Hakkaoui traînait dans les tiroirs du Parlement depuis mars 2016.
Cette loi devrait apporter une protection contre certaines formes de violence, dont le harcèlement de rue. Toutefois, “beaucoup de points ont été réclamés par les mouvements féministes, mais n’ont pas été pris en considération lors de son élaboration”, précise Yasmine Zaki. Des lacunes qui risquent d’en limiter l’impact direct.
Une loi votée dans l’indifférence générale
Même son de cloche de la part de Rabéa Naciri, professeure à la faculté des lettres et des sciences humaines de Rabat et membre fondatrice de l’ADFM. “Il aura fallu des années de palabres et plus de trois ans de débat parlementaire pour qu’elle voie enfin le jour. Toutefois, cette loi a été votée dans l’indifférence générale. Une indifférence qui dénote le peu d’intérêt qu’accorde notre société à ce phénomène”, déplore-t-elle sur 2M.ma, le site de la deuxième chaîne de télévision généraliste semi-publique marocaine.
Cette loi apporte certes des nouveautés car elle durcit les peines en augmentant les amendes et les durées d’emprisonnement à l’encontre de toute personne coupable de violence, de harcèlement sexuel, de diffamation, d’injures sur une personne en sa qualité de femme. Encore faut-il que les femmes victimes aillent déposer plainte. Un pas que très peu de femmes marocaines osent faire, à cause du regard de la société et des difficultés pour le faire. (…) Les Marocaines ont appris à vivre en essayant de contourner le problème et en construisant des murs invisibles dans les espaces urbains.”
Mme Zaki rappelle de son côté que “cette loi a omis de donner une définition stricte de la violence conjugale ou encore de reconnaître le viol conjugal”, un acte qu’elle juge urgent d’incriminer. Par ailleurs “le viol n’est pas considéré comme une atteinte à l’intégrité physique de la femme, mais comme une atteinte aux mœurs et à la pudeur”, une approche qualifiée d’“anormale” par Mme Zaki, qui s’insurge : “Le viol n’est pas une affaire de mœurs, ni de culture, ni de religion, c’est une atteinte à l’intégrité physique et morale de la femme.”
À noter que Human Rights Watch avait dès février décortiqué cette loi en estimant que certaines lacunes devraient être comblées. Toutefois, l’ADFM ne manque pas de saluer son entrée en vigueur car, malgré ces défaillances, cette loi représente un acquis pour les femmes. Le HuffPost Maghreb,pour sa part, donne une note d’optimisme en relatant le cas d’Oumaima Requas, victime de harcèlement sexuel. “La jeune responsable administrative de 24 ans, face à une situation vécue quotidiennement par de nombreuses femmes au Maroc, a choisi de ne pas se taire et de porter plainte. À la faveur de l’entrée en vigueur ce mercredi 12 septembre de la loi 103-13 sur la violence faite aux femmes, elle pourrait bien devenir la première Marocaine à bénéficier des dispositions de cette loi.”