La verbalisation du harcèlement de rue est-elle une réelle avancée pour les femmes françaises ?

Citation d’origine

En France, comme aux États-Unis, les forces de police ont brutalisé et tué des hommes noirs en toute impunité, rendant les communautés de couleur hésitantes à donner aux représentants de l’ordre davantage de raisons de procéder à des arrestations. Selon toute vraisemblance, les policiers et les procureurs appliqueront n’importe quelle loi pénalisant le harcèlement de rue de façon disproportionnée à l’encontre des hommes racisés, comme ils le font déjà pour tous les délits et crimes. Et ils pourraient facilement utiliser une telle loi comme un prétexte pour renforcer la surveillance et les contrôles de communautés déjà marginalisées.

Ce raisonnement fait écho au positionnement de l’association féministe Lallab, dont le but est de faire entendre les voix des femmes musulmanes en France, cibles d’une double oppression raciste et sexiste. En octobre 2017, alors que la loi portée par Marlène Schiappa était débattue, Lallab publiait un article intitulé « 8 raisons de s’opposer à la pénalisation du harcèlement de rue », dans lequel l’association évoque entre autres le manque de formation des agents de police, la difficulté de prouver les faits de harcèlement et le risque de renforcer le délit de faciès :

Le harcèlement de rue, bien qu’étant le fait d’hommes de toutes catégories sociales et de toutes origines, est largement et abusivement associé à une population d’hommes de classe populaire et/ou racisés – or, ceux-ci sont déjà fortement criminalisés, surveillés et brutalisés par la police. Nous imaginons aisément que le déploiement de 10 000 agent·e·s supplémentaires ne se fera pas dans le 16ème arrondissement de Paris, mais dans les quartiers populaires, pour ainsi renforcer la surveillance policière sur les populations qui y habitent. […] Refusons que le féminisme soit instrumentalisé pour renforcer les dérives racistes et sécuritaires de l’État français.

Le groupe de réflexion Queer & Trans Révolutionnaires (QTR) et le collectif afroféministe Mwasi s’étaient également opposés à l’idée d’une loi pour pénaliser le harcèlement sexiste dans la rue dans un communiqué publié sur Mediapart :

Les témoignages de femmes dont la police refuse ou décourage les plaintes pour viol sont nombreux, et dans l’expression de sa brutalité, envers les femmes comme les hommes, la police manifeste, en plus de son caractère éminemment raciste, sa dimension profondément sexiste, homophobe et transphobe. C’est donc cette police qui sera en charge de pénaliser le harcèlement de rue ? Quelles catégories sociales de femmes verront alors leurs plaintes entendues ? Contre quelles catégories sociales d’hommes ? Il n’est pas sûr qu’une femme noire migrante puisse faire appel à la police pour que soit pénalisé le harcèlement d’un homme français, blanc, de classe supérieure dans l’espace public.

Au-delà du harcèlement, une loi problématique sur de nombreux aspects

Si la section sur la verbalisation du harcèlement de rue a focalisé le plus d’attention, la loi comprend d’autres mesures — notamment sur les infractions sexuelle sur mineurs ou les délais de prescription des crimes de viol — loin de remporter l’adhésion des groupes féministes.