« Hoax » : l’instit qui apprend à ses élèves à devenir des détectives du Web

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Le dessin d’un enfant de CM2 de l’école primaire de Taninges, 2015-2016 : « Tous contre les hoax, faisons barrage aux rumeurs »

Ce qui vous permet d’aborder la subjectivité, l’objectivité, l’impartialité…

Oui. Je leur ai proposé un autre jeu. Un journaliste doit suivre un match de foot entre Taninges et le village d’à côté. Comment va-t-il être objectif alors que son cœur bat très fort pour l’équipe de Taninges ?

L’objectivité est un concept difficile à utiliser. Leur mot à eux, c’est « être neutre », comme un arbitre.

Je leur ai appris l’importance de vérifier les sources et de croiser les infos, y compris avec des journaux dits fiables. Un journaliste peut se tromper. Que doit-il faire, dans ce cas ? Les enfants naturellement répondent « il le dit ». Et c’est vrai, il y a des règles déontologiques.

L’année dernière, on a commencé la séquence juste après les attentats de novembre à Paris. On est partis entre autres sur un fait divers qui est arrivé localement. Dans un village près de Taninges, quelqu’un était soupçonné de djihadisme car il avait des vidéos djihadistes chez lui et un drapeau de Daesh. Il a été arrêté. On a étudié plusieurs articles, de journaux nationaux et locaux.

On y a lu des informations complémentaires mais il y avait aussi un petit détail qui variait. Certains disaient que l’homme avait 25 ans, d’autres 28. Ce n’est pas très grave en soi. Mais comment fait le lecteur ? Il peut se dire que l’homme a entre 25 et 28 ans.

Croiser les sources permet aux élèves de se forger leur propre opinion. Je ne leur dit pas ce qu’ils doivent penser mais je leur conseille de croiser les infos si possible avec des supports très variés pour se faire leur opinion.

Je ne leur ai pas parlé des « bulles de filtre » mais ils s’en rendent compte par eux-mêmes : quand on croise les infos entre des journaux sérieux, les infos se recoupent quand même. Et quand on recoupe les infos entre plusieurs sites douteux, on retrouve les mêmes informations aussi. Ils s’en sont rendu compte quand on a travaillé sur le 13 novembre.

Je leur apprends la distanciation, l’esprit critique : elle est encore plus importante sur Internet où n’importe qui peut publier n’importe quoi.

Dans une seconde partie du programme, les élèves revêtent des masques qu’ils ont fabriqué avec des coupures de journal.

Oui, ils se transforment en apprentis hoaxbusters, ils deviennent des détectives du web.

On travaille au début sur les moteurs de recherche. Je leur demande qu’est-ce qui fait d’après eux qu’un lien arrive en premier dans les résultats Google. Certains pensent que c’est parce qu’il s’agit du lien le plus ancien, pour d’autres c’est le lien le plus récent, d’autres encore me disent « c’est parce que c’est le plus intéressant ».

Argh.

Ah ben oui, comment voulez vous qu’ils sachent ? Assez vite, ils répondent que c’est parce que c’est le lien le plus cliqué (je ne rentre pas dans le détail, car l’algorithme de Google est un peu plus complexe).

C’est important en tout cas qu’ils sachent que ce qui arrive en premier dans les résultats d’un moteur de recherche, ce n’est pas forcément vrai.

Leur travail de hoaxbuster, c’est de disséquer l’information. Quand je leur donne une information, je les fais réfléchir à son degré de crédibilité. Puis je les fais remonter à la source. Il y a trois questions pour cela qu’ils doivent se poser – pour moi c’est la base, le B.A-ba.