En Guinée, la percée wahhabite bouleverse les équilibres religieux

S’ils ont passé outre l’avis des autorités, c’est que les wahhabites se sentent forts. « Nous sommes nombreux, ils sont devenus impuissants », ajoute Diallo Al-Hamdou. Lui s’est converti en 1999. « Avant, je buvais, je sortais. J’ai abandonné la bière, je me suis mis au Coran, j’ai cherché une deuxième femme, voilée, en plus de la première qui ne l’est pas. Nous n’étions qu’une poignée de sunnites, maintenant nous sommes des milliers », se réjouit-il. Des fidèles qui ne se mélangent pas facilement aux autres.

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La construction de la mosquée Tata 1 au début des années 2000 a été « financée par une association islamique du Koweït, via une association guinéenne », explique son imam, Ibrahim Khalil Diallo, issu d’une famille tidjane mais converti au wahhabisme lors de ses études en Egypte. Nous n’en saurons pas plus sur le financement. « Les Arabes ont de l’argent, glisse Diallo Al-Hamdou en souriant, on s’organise. » Y compris en contournant le traditionnel droit de regard de la Ligue islamique contrôlée par les tidjanes. « On commence par construire une salle de lecture ou une école franco-arabe. Ensuite, sur la même parcelle, on érige une mosquée, explique-t-il. Sans demander l’autorisation de la Ligue, qui nous la refuserait. (…) Les tidjanes sont arrivés les premiers au Fouta-Djalon, nous sommes encore minoritaires, mais ça ne durera pas, promet l’imam, les gens nous rejoignent. »

« Une culture de la médiocrité »

C’est notamment le cas à la périphérie de Labé, au secteur Dombi du quartier Daka 2. Là, l’exode rural alimente une urbanisation sauvage faite de masures souvent dépourvues d’eau et d’électricité. « Il n’y a pas d’école publique dans le quartier. Beaucoup de familles se tournent alors vers les écoles franco-arabes des wahhabites », explique Alpha Mamadou Ceilou Diallo, en désignant les bâtiments situés de l’autre côté de la rue en terre défoncée par les premières pluies de la saison. Tout en reconnaissant l’indigence de l’enseignement publique, ce professeur de français dans un établissement privé s’inquiète « de l’avenir de ces enfants formés dans une culture de la médiocrité ». A Conakry, un haut fonctionnaire du ministère de l’éducation reconnaît que son ministère n’a pas la moindre idée de l’enseignement dispensé dans les écoles franco-arabes qui fleurissent dans tout le pays.

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Le phénomène a commencé dans les années 1990 avec l’arrivée de Guinéens de la diaspora établis jusqu’alors en Mauritanie, au Sénégal et au Mali. Ces dernières années, il prend une nouvelle ampleur et crée des tensions. « De jeunes chefs religieux, de retour des écoles et universités arabes où ils ont appris la langue et se targuent d’une traduction plus claire du Coran, ont créé un conflit de générations avec les érudits qui avaient jusqu’ici une connaissance sommaire du texte saint. Ils sont revenus pour imposer leur vision », explique Thierno Boubacar, un érudit et membre respecté de la Ligue régionale des affaires religieuses.