Ces théories, pour nombre de Moyen-Orientaux, sont bien plus que cela : ce sont des vérités immuables. Difficiles, sinon impossibles à prouver certes, mais des vérités néanmoins. Ce penchant pour de telles théories n’est pas spécifique au monde arabo-musulman, mais il y est omniprésent. Et il n’est pas récent.
En retraçant le parcours des premières théories du complot, l’on remonte aisément au début du XXe siècle. Plus exactement aux accords Sykes-Picot de 1916. À l’époque, la France et la Couronne britannique se partagent la région en zones d’influence sans consulter l’ensemble des populations locales et sans réellement prendre en compte leurs aspirations. Ce découpage, suivi quelques décennies plus tard de la création de l’État d’Israël, suscitera un sentiment d’injustice, de trahison et de ressentiment à l’encontre de l’Occident dans le monde arabe qui perdure encore.
Certains remontent plus loin encore dans le temps pour tenter d’expliquer l’engouement, ou plutôt l’obsession arabe, pour les complots. Cette tendance peut être retrouvée dès le VIIe siècle, à l’époque du prophète Mahomet, avance Mohammad Ourya, doctorant à l’Université du Québec à Montréal, dans son mémoire Le complot dans l’imaginaire musulman (UQAM, 2008). Plusieurs érudits musulmans, explique M. Ourya, imputent à Abdallah ibn Sabaa, un juif converti à l’islam, la mésentente entre les compagnons du Prophète, et donc la fitna (discorde entre musulmans), dans le but de déstabiliser le calife Othman.