Les Français issus de l’immigration ont chacun leur histoire. Une de mes particularités est que, sans le bronzage de l’été, mon physique est éloigné du type maghrébin. Quand on ne me connaît pas, qu’on ignore mon nom et mon adresse située dans un quartier difficile, je me fonds dans le paysage des soirées, des réunions ou tout autre regroupement social. Il m’est donc arrivé, plus d’une fois, d’écouter des conversations sur des sujets politiques, sur les problèmes du monde sans langue de bois. Il y a parfois un homme ou une femme qui vient à parler des « immigrés », ces voyous en puissance, ces racailles venues « voler le pain des Français ». Ces « étrangers » (même s’ils sont Français) sources de tous les problèmes du pays. J’écoute en silence. Il est enrichissant de saisir l’expression de ce qu’un être humain peut produire de pire quand il est mû par l’ignorance et la peur de l’autre. Puis, vient toujours le moment où on demande mon avis. Je réponds la même chose à chaque fois : « Je n’ai pas d’avis puisque je suis un de ces « Arabes » dont vous parlez. » Là, après un instant embarrassant où même les mouches se sont tues, vient toujours la phrase échappatoire : «…ah mais toi c’est pas pareil. T’es pas comme les autres. Toi t’es bien intégré. »
« Le racisme le plus difficile à encaisser était celui de Français qui me percevaient comme une pièce rapportée, inférieure »
Le racisme le plus difficile à encaisser n’était pas dans la violence des mots de quelques décérébrés en uniforme de police ou au crâne rasé et chaussures de sécurité aux pieds. Il n’était pas non plus dans les mots de leur branche politique, le Front national. Cette expression du racisme était minoritaire, facilement identifiable et identifiée. Pour moi, comme pour d’autres Français d’origine maghrébine, nous savions qu’ils étaient extrémistes et qu’il n’y avait rien à en attendre.