Depuis plusieurs années, ils organisent notamment des collectes de nourriture et de vêtements pour les migrants qui dorment dans les rues parisiennes, notamment, depuis la fermeture du camp de Calais, près des métros La Chapelle ou Jaurès. Quelques années plus tôt, ils avaient également organisé un soutien et des collectes pour les migrants qui dormaient à Montreuil sur un terrain de foot après avoir été expulsés d’un squat rue des Sorins.
Renault, le lien commun ?
Presque tous ont en commun d’avoir travaillé chez Renault, en moyenne entre 6 et 36 mois, dans le cadre de contrats d’intérim, de stages ou de remplacements d’été. Abdoulaye, surnommé « Mao », raconte (entretien réalisé en 2012) :
« Mon père est né en 51 au Mali. Il est arrivé en France en 71. Ma mère, elle, est née en 62 et l’a rejoint au début des années 1980. Nous avons tous la même histoire : nos pères sont arrivés en France au début des années 1970 et ont travaillé chez Renault. Aujourd’hui, mon père est à la retraite. Depuis deux ans, il vit au Mali. Là-bas, il a fait construire une maison. Nous sommes neuf enfants dans la famille. Ma mère travaille. Elle fait des ménages. Depuis que mon père a arrêté de bosser, en 2003, c’est comme s’il avait rajeuni de 10 ans ! C’est pas étonnant, vu les conditions de travail chez Renault. J’ai travaillé à la chaîne en même temps que lui. Directement après l’école, j’ai fait deux fois 18 mois à l’usine, puis une autre fois 6 mois. Je travaillais sur les portes des voitures. C’est mon père qui venait m’apporter le thé à l’atelier. Découvrir le travail que mon père a fait toutes ces années à l’usine, ça a été un choc : je peux pas oublier cette image. »
Avec les CROMS, et notamment Mao, nous nous sommes régulièrement rencontrés pendant mes années de recherche aux Mureaux et, depuis, nous avons toujours gardé un lien. Grégory et moi nous rendions à chaque événement organisé par leur association, pour laquelle nous avons également réalisé des vidéos. Nous avons partagé avec eux de nombreux moments et débats, mais aussi des soirées, des barbecues pendant les beaux jours, ou encore des concerts de rap, aux Mureaux ou à Paris.
L’usine comme repoussoir
Le sentiment que leurs pères ont été exploités et n’ont jamais été reconnus, notamment parce qu’ils n’ont pas eu d’évolution dans leur carrière, fait apparaître l’usine, à leurs yeux, comme un repoussoir. Ce sentiment est partagé par de nombreux autres jeunes rencontrés aux Mureaux.