En attendant, Omar, grand bonnet sur la tête, qui maintient sa condition physique avec des haltères, continue de se familiariser avec ce sport dont il avait entendu parler dans son pays natal. « Même tout seul, sur YouTube, j’essaie maintenant d’apprendre les règles. Celles pour les mêlées, pour les touches. Pour l’instant je crois que mon meilleur ami en France, ça reste mon téléphone ! Il m’enseigne beaucoup de choses, je peux regarder des vidéos, écouter du rap sénégalais, rester en contact sur WhatsApp. »
CONFIANCE ET PRISE D’INITIATIVE
Le migrant a conservé peu de liens avec sa famille en Afrique. Mère décédée, père absent, raconte-t-il. Comme ses coéquipiers d’Ovale citoyen, lui aussi joue pour oublier.« Sur un terrain, je ressens beaucoup de choses, je me sens bien, ça me divertit. J’oublie les problèmes dans ma vie. Beaucoup de problèmes. » Son trajet l’a conduit en France, via la Mauritanie, le Maroc et l’Espagne. Pourquoi la France ? « C’est elle qui nous a colonisés. » Le jeune homme a risqué sa vie au mois de juin, lors d’une traversée nocturne de la Méditerranée depuis le port de Tanger. « Quand on part, on sait qu’on prend un risque. Il y a trois possibilités : on peut rester dans la mer [mourir],on peut retourner [au Maroc] ou on peut entrer [en Europe]. »
Omar se souvient du bateau. Un petit pneumatique qu’il a fallu gonfler à la hâte. A l’inverse des autres passagers (« une dizaine », se souvient-il), les passeurs l’ont laissé monter sans lui soutirer d’argent. Mais avec un autre prix à payer : ramer, ramer, ramer, toujours plus. « Moi, je faisais partie des capitaines, j’avais une pagaie en bois. Les passeurs nous ont juste donné le bateau, ils nous disaient : “L’Espagne, c’est tout près”. Mais ils ne savaient rien du tout. On a passé une nuit au milieu de la mer. » Le Sénégalais connaît les flots et leurs dangers pour avoir grandi juste à côté. A Guéréo, sur le littoral atlantique, il travaillait à la fois comme carreleur et pécheur.