Bonjour! Je m’appelle Camel. Avec un “c” comme chameau. Je suis un chameau de Bactriane, fort comme un mongol et doux comme un ange. Je vais sur mes 25 ans et cela fait plus de deux décennies que je fais équipe avec mon maitre et ami, Dashdondog Jamba.
article de l’écrivain et journaliste, Pierre Martial, publié sur son blog, le 06 03 2020
Notre job? Bibliothécaires nomades pour les gamins des yourtes qui vivent en plein milieu du désert de Gobi.
Comme dit toujours mon maitre Jamba, un amoureux fou des livres, “Si tu ne peux pas aller vers les livres, alors les livres viendront vers toi!“
Mais que je vous raconte comment tout a commencé…
Le jour où Jamba est devenu bibliothécaire-nomade dans le désert de Gobi
Né d’une chamelle à demi sauvage et d’un chameau domestiqué, j’ai été très vite adopté par Jamba, ami des livres mais aussi des animaux. C’était au début des années 90. Une période difficile pour la Mongolie qui était en train de se reconstruire après plusieurs décennies de régime communiste. Il n’y avait quasiment plus de bibliothèques publiques, peu ou pas de librairies et des pans entiers de la population n’avaient pas accès aux livres et à la culture, comme le million de Mongols qui vivent en nomades ou semi-nomades au milieu du désert de Gobi.
Mon ami Jamba ne pouvait pas accepter cela! “Comment peut-on vivre sans livres!” répétait-il tout le temps à qui voulait bien l’entendre. Mais ni responsables ni élus, qui avaient autre chose à faire à l’époque, ne voulaient s’en préoccuper.
Alors, un matin, Jamba prit une grande décision: puisqu’il en était ainsi, il allait devenir le bibliothécaire-nomade du désert de Gobi!
Connu de toutes les yourtes de Mongolie
Hélas, mon pauvre maitre n’avait guère de moyens. Certes, il avait réussi à réunir plusieurs centaines de livres de ci, de là, mais comment les apporter aux enfants du désert de Gobi? Pas de moto, pas de véhicule d’aucune sorte! Comment faire?
C’est là que j’entre en scène! Je ne voudrai pas trop ramener la couverture à moi, mais tout de même! Sans moi, la “Camel library” aurait-elle pu voir le jour? Je ne le pense pas. Fort, résistant et très économique, j’étais le partenaire idéal! Dès le début, nous nous nous sommes très bien entendus. J’admirais sa force, son intelligence et sa culture. Et lui, aimais mon endurance et ma douceur.
Sans compter que tous les enfants m’adoraient dès qu’ils me voyaient! J’étais connu de toutes les yourtes de Mongolie et on me faisait fête partout où je passais!
Ah, on faisait un sacré duo, je vous jure! Jamba qui lisait avec passion des extraits de livres aux enfants pour leur donner envie et moi qui, assis un peu à l’écart, blatérait de temps en temps comme pour l’approuver et le féliciter!
150.000 kilomètres et des milliers de rires d’enfants
Je ne pourrai pas vous dire exactement combien on a fait de kilomètres, tous les deux, pour atteindre les milliers de campements nomades de Mongolie, mais on ne doit pas être loin des 150.000 kilomètres en 25 ans!
Bien sûr, aujourd’hui j’ai pris de l’âge et je ne suis peut-être plus aussi endurant que pendant ma jeunesse mais ça va encore, merci! D’ailleurs, pour me ménager un peu, Jamba a acheté un vieux bus qu’il a retapé pour me remplacer de temps en temps.
Il s’est mis à écrire aussi. Je pense que cela lui est venu des longues heures qu’il passait, là-haut, à osciller entre mes deux bosses. Il traduit également des livres du monde entier pour pouvoir les faire connaitre aux petits Mongols.
Et moi, je suis toujours heureux de voir les enfants m’entourer, battre des mains et brandir comme des trésors des livres de toutes formes et de toutes couleurs!
Bien à toutes et à tous!
Et mes amitiés les plus fraternelles à tous les bibliothécaires fixes ou nomades, aux animaux qui les aident parfois (ânes, chevaux, éléphants, etc.) et aux libraires et défenseurs du livre du monde entier!
Pierre Martial – Ecrivain, journaliste