Quant à savoir comment une telle succession d’angoisse, d’humour corrosif, de clowneries nombrilistes, de paranoïa et de propos engagés a pu se dérouler d’elle-même en un album dans lequel il est encore possible de plonger en découvrant de nouvelles facettes, on ne le sait toujours pas.
Ce que l’on peut affirmer, en revanche, c’est qu’Eminem n’a jamais craint de regarder l’Amérique en face, de lui cracher au visage le peu d’estime qu’il semble lui accorder tout en parvenant à la définir en se contentant de la décrire. Comme dans le dernier couplet de White America, indéniablement le plus accusateur, lorsqu’il se dit :
“Envoyé pour mener la lutte vers les marches du Congrès / Et pisser sur les pelouses de la Maison-Blanche / Brûler le drapeau et le remplacer par un sticker “Parental Advisory”/ Cracher de l’alcool à la gueule de cette démocratie hypocrite.”
Avant de conclure par un cinglant : “Je t’emmerde, Mme Cheney/Je t’emmerde, Tipper Gore/Je vous emmerde avec la liberté d’expression que cet État divisé par la honte m’autorisera à avoir/ Allez tous vous faire foutre.” On rêve de l’entendre balancer ces propos avec la même rage au gouvernement actuel.